le 11 octobre 2024
Par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen
Comment en finir avec le déluge de feu qui s’abat sur le Liban ? La terreur semée par les frappes israéliennes incessantes a déjà chassé de chez eux plus d’un million d’habitants, soit 20 % de la population ! Y a-t-il encore le moindre espoir d’une solution politique à un conflit qui conduit chaque jour un peu plus le Proche-Orient au bord du gouffre ? « La fenêtre diplomatique est petite (…), mais elle existe », estime Tarek Mitri, qui fut ministre des Affaires étrangères du Liban lors de la précédente guerre entre Israël et le Hezbollah, en 2006. Il joua un rôle majeur dans les négociations qui aboutirent à la fameuse « résolution 1701 » du Conseil de sécurité des Nations unies, ouvrant la voie au cessez-le-feu. Il n’est donc pas sans intérêt de prêter attention à son analyse de la situation actuelle, parue dans le grand quotidien libanais, « l’Orient-le Jour » (1).
Selon lui, la première condition concerne directement la société libanaise. Saura-t-elle préserver son unité, sachant – « quelle que soit la responsabilité du Hezbollah » – qu’une division entre partisans et adversaires de ce mouvement servirait les desseins de Netanyahou, déterminé à dominer toute la région ? Car, pour le diplomate, « la guerre actuelle est une guerre contre le Liban, pas seulement contre le Hezbollah ». Il faut donc « comprendre que l’affaiblissement du Hezbollah ne sera pas une victoire pour ceux qui s’opposent à sa politique ». Compte tenu de sa pratique de la guerre – « qui ne fait pas la distinction entre les objectifs militaires et la population civile » –, l’armée israélienne finira par « détruire une partie du Liban en prétendant se concentrer sur le Hezbollah ». En outre, Netanyahou ne parle que du conflit avec l’Iran en ignorant le problème palestinien, « alors qu’il est au cœur de ce qui nous arrive ». Il est donc vital d’en finir au plus vite avec cette guerre en travaillant à un cessez-le-feu permanent.
C’est possible, selon le diplomate, en revenant à la résolution 1701 (qui implique le retrait des troupes israéliennes comme de celles du Hezbollah du sud du Liban au profit de l’armée libanaise et des casques bleus de l’ONU). Le Liban se dit prêt à déployer son armée dans cette zone tampon de 30 km de large séparant le fleuve Litani de la frontière israélienne. Quant au Hezbollah, il serait vraisemblablement d’accord pour s’en retirer sans condition préalable, même si, dans l’immédiat, « ne serait-ce que pour les siens, il doit continuer à se battre ». En revanche, il y a chez Netanyahou « cette ivresse du succès et une ambition de changer la région » qui le poussent à une guerre sans limites.
C’est là qu’intervient la responsabilité de la communauté internationale. Sur les 15 pays membres du Conseil de sécurité, rappelle l’ancien ministre libanais, pas moins de 14 seraient favorables à un arrêt immédiat des combats. Qu’en serait-il du 15e, les États-Unis ? Voteraient-ils pour une telle résolution ? Quelles pressions seraient-ils prêts à exercer sur leur allié stratégique pour arrêter sa criminelle aventure ? L’heure de vérité approche.
(1) « L’Orient-Le Jour », 2 octobre 2024.
Voir aussi, sur le Hezbollah: « Le Hezbollah a été créé pour renvoyer l’armée israélienne de l’autre côté de la frontière », analyse Aurélie Daher, enseignante-chercheuse à Sciences-Po Paris - L'Humanité (humanite.fr)