Lu sur La Norvège, les « terres rares » et le marché européen - L'Humanité (humanite.fr)
Outre le cuivre, le cobalt, le nickel et le lithium, le passage du moteur thermique au moteur électrique sera gourmand en métaux et autres matières issues de ce que l’on nomme les « terres rares ». Elles entrent notamment dans la production des aimants et leurs noms sont peu connus. En font partie le lanthane, le cérium, le néodyme, le samarium, le dysprosium et quelques autres.
le 22 août 2024
L’hebdomadaire « Courrier International » daté du 18 au 24 juillet consacrait deux pages à un projet d’exploitation des « terres rares » en Norvège. Reprenant de nombreux extraits d’articles parus dans le quotidien danois Politiken, il informait ses lecteurs sur une annonce faite à la fin du mois de juin par la Norvège sur « la plus grande découverte à ce jour de terres rares en Europe ».
Ce site, appelé Fensfeltet, se trouve au cœur de la cheminée d’un volcan datant 580 millions d’années, qui descend jusqu’à 468 mètres sous terre. Aujourd’hui, une jolie forêt recouvre l’ancien volcan à une centaine de kilomètres seulement au sud-ouest d’Oslo. « Cette découverte a attiré l’attention de la communauté internationale car les terres rares – une appellation générique désignant 17 éléments métalliques — vont devenir absolument décisives pour la technologie dont dépendra dans le futur une grande partie du monde, et en particulier l’Europe », lisait-on dans Courrier International.
Métaux rares, voitures électriques et bombes de l’OTAN
Le site de Fensfeltet recèlerait 8,8 millions de tonnes de terres rares, soit cinq fois plus que le plus vaste gisement découvert à ce jour en Europe. Sans être membre de l’Union européenne, la Norvège espère ainsi que l’Europe des 27 sera son principal client. Selon le vice-ministre norvégien du Commerce et de l’Industrie, cité dans Courrier International, « l’exploitation de cette mine représentera une contribution très importante à l’approvisionnement des pays occidentaux en terres rares et créera de grands débouchés industriels dans la région. Le gouvernement privilégie les efforts en faveur de l’exploitation minière en Norvège parce que l’accès aux matières premières critiques est primordial pour la transition écologique ».
Les industriels et le gouvernement norvégien n’ont pas oublié les paroles prononcées l’an dernier par Ursula von der Leyen. Elle affirmait que « le lithium et les métaux rares deviendront bientôt plus importants que le gaz et le pétrole ». Mais Courrier International indiquait aussi que le quartier général de l’OTAN, à Bruxelles, surveille de près la découverte du gisement de métaux rares de Fensfeltet. Et de citer les propos suivants d’un porte-parole de l’OTAN qui préfère garder l’anonymat :
« Les métaux rares sont cruciaux pour les économies occidentales et pour la dissuasion et la défense de l’OTAN. Ils entrent dans la composition de plusieurs technologies de défense, comme les armes guidées avec précision, les moteurs et les composants électroniques pour les avions de combat, les matériels de communication, notamment les appareils GPS et bien d’autres encore. La domination de la Chine dans le domaine des terres rares peut poser un problème pour la sécurité d’approvisionnement des alliés. Les gisements importants de terres rares récemment découverts en Europe peuvent renforcer la capacité des alliés à diversifier leurs approvisionnements ».
Des fonds marins riches en cuivre et autres minéraux
On apprenait aussi dans ce numéro de Courrier International que la Norvège veut se lancer dans l’exploitation minière des fonds sous-marins sur le plateau continental norvégien, dans les eaux situées entre la Norvège et le Groenland, sur une zone d’environ 280 000 km2.
Ces fonds marins seraient riches en cuivre et autres minéraux. Cette superficie marine représente environ la moitié de celle du territoire métropolitain de la France. En juin dernier, le gouvernement norvégien a proposé d’offrir 38 % de la zone en question à des acteurs publics et privés dans une première phase de concessions. Durant cette période, ces acteurs pourront solliciter une licence d’exploration, mais pas encore d’exploitation.
Selon l’Agence norvégienne de l’environnement, « les connaissances scientifiques sont encore beaucoup trop minces pour déterminer si une extraction minière est susceptible d’endommager le milieu marin vulnérable ». Au Groenland, des ONG locales craignent que les sédiments provenant d’une exploitation minière sur le fond de l’océan se déposent le long des côtes groenlandaises et détruisent les stocks de poissons.
Dans les 27 pays membres de l’Union européenne il devient urgent de s’interroger sur la multitude de conséquences déjà visibles concernant la conversion aux véhicules électriques. Car la Commission européenne limite le bilan carbone de cette conversion à la seule réduction des émissions de CO2 provenant du remplacement des carburants issus du pétrole par une consommation d’électricité qui évite au moteur d’émettre du CO2. En réalité, sans réduction sensible de la circulation routière, la conversion aux véhicules électriques risque de devenir le plus grand fiasco économique et écologique du XXIe siècle dans les pays membres de l’Union européenne.
Gérard Le Puill