Lu L’irresponsabilité de Macron n’est pas là où on la croit - Regards.fr
28 août 2024 |
En jouant la montre et en arguant sur l’ingouvernabilité du pays sans « compromis », le chef de l’État commet une double-faute.
La politique, c’est aussi, voire surtout, une affaire de dynamiques. Au lendemain des élections législatives, la dynamique était du côté de la gauche du fait que le Nouveau Front populaire était arrivé en tête en nombre de sièges obtenus. Les commentateurs comme les autres partis étaient prêts à le concéder, même du bout des lèvres. Un gouvernement porté par le NFP aurait pu être nommé, aurait commencé à travailler et on aurait vu sur pièce si des lois et des décrets progressistes auraient pu être votées ou signés.
Seulement, l’histoire qu’a voulu écrire le président de la République est tout autre : effrayé sûrement par la potentialité d’un soutien populaire aux premières mesures portées par le NFP – qui, de fait, auraient pu emporter l’adhésion d’une majorité de députés –, Emmanuel Macron a préféré repousser aux calendes grecques la nomination d’un Premier ministre. Dès lors, il a contribué à enrayer la dynamique première de la gauche en installant l’idée que le pays était dans une impasse institutionnelle que seuls des compromis – avec sa formation politique, bien entendu – pouvaient dépasser.
En un sens, croire que le compromis est la seule solution qu’offre la situation politique actuelle, c’est nier la possibilité d’une dynamique susceptible d’emporter une adhésion massive de la part du peuple. C’est d’ailleurs ce qui a permis le vote à l’unanimité (moins une voix) de l’instauration obligatoire par la loi des congés payés en 1936 (mesure qui n’était pas initialement dans le programme du Front populaire mais portée par les grèves massives qui ont suivi son arrivée au pouvoir).
Que le Président laisse à la gauche la possibilité de tenter d’offrir une perspective aux Français, sans anticiper, car ce n’est pas son rôle, sur les potentiels votes de lois ou de motions de censure au Parlement.
Comme l’avait affirmé François Mitterrand en 1978 durant la campagne des élections législatives : le Président choisit qui il veut pour le poste de Premier ministre, sans « aucune obligation morale ni juridique de choisir le chef du parti arrivé en tête », ajoutant que « la politique, c’est autre chose ». C’est précisément cette « autre chose » qui est si mal compris par Emmanuel Macron : l’air du temps est à une rupture avec la politique qu’il a mené depuis sept ans. Ne pas le comprendre, c’est se condamner aux affres de la déconnexion croissante avec un peuple qui s’est pourtant massivement déplacé aux urnes en juin et juillet derniers.
Que le Président laisse à la gauche la possibilité de tenter d’offrir une perspective aux Français – ce qu’il n’arrive plus guère à faire –, sans anticiper, car ce n’est pas son rôle, sur les potentiels votes de lois ou de motions de censure au Parlement. Car la sagesse collective de notre représentation nationale vaut sûrement mieux que les errements malheureux de sa pratique délétère du pouvoir que tous, aujourd’hui, constatent.