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Quelle Europe émergera de cette maudite guerre ?
Publié le
Samedi 18 février 2023
Francis Wurtz, chroniqueur.
Francis Wurtz, chroniqueur.
 

La guerre d’Ukraine a vu la naissance tardive d’une Union géopolitique (…). Nous devons nous doter de l’état d’esprit et des moyens nécessaires pour faire face à l’ère de la puissance et nous devons le faire à grande échelle.« Telle est depuis quelque temps la doctrine de l’Union européenne, rappelée par le chef de sa diplomatie, Josep Borrell, un mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine (1). Manifestement, le Kremlin, par sa maudite guerre en Ukraine, a dopé des tendances lourdes, déjà à l’œuvre dans l’UE auparavant, en exacerbant les pires travers.

La première de ces tendances est la militarisation à outrance de l’Europe. Le cas de l’Allemagne est le plus spectaculaire. Rompant avec la tradition pacifiste adoptée après la défaite du nazisme, Berlin affiche aujourd’hui l’ambition de devenir »la force armée la mieux équipée d’Europe« . Paris, de son côté, fait faire un bond de 40 % à sa loi (pluriannuelle) de programmation militaire. La Pologne, quant à elle, a plus que doublé son budget des armées. Partout, les dépenses militaires, déjà orientées à la hausse avant le conflit, s’envolent littéralement depuis son déclenchement. L’Union européenne, en tant que telle, a créé un instrument financier sans précédent – intitulé… »facilité européenne pour la paix« – pour fournir directement une aide militaire à des pays tiers. Quant à l’Otan, elle est passée en un temps record de »l’état de mort clinique« à un activisme effréné en Europe, où elle recrute même d’anciens pays neutres !

Cette militarisation de l’Europe se conjugue avec une autre tendance en plein essor : l’américanisation de l’Union européenne. Les États-Unis déploient désormais dans l’UE plus de 100 000 soldats, en particulier dans sa partie orientale. Ils y écoulent avions de chasse, chars de combat, missiles et autres pièces d’artillerie en quantité exponentielle. Ils y exportent au prix fort leur gaz naturel liquéfié, produit par fracturation hydraulique, un procédé largement interdit en Europe. Notre dépendance à l’Amérique est, plus que jamais, économique, politique et stratégique.

Ajoutons à cela que la guerre en Ukraine a déplacé le centre de gravité de l’UE vers l’Est et mis sur un piédestal la Pologne du PiS, un régime dont certains discours rappellent ceux du RN, et dont, paradoxalement, la »vision du monde n’est pas sans présenter des similitudes avec celle du président russe, qui tend à s’ériger en dirigeant de la restauration conservatrice en Europe« (2). Hier paria de "l’Europe des valeurs" du fait du non-respect de l’État de droit, de l’interdiction de l’IVG, de l’établissement de »zones libres d’idéologie LGBT« , du rejet des réfugiés (à l’exception des catholiques), les migrants pouvant être »porteurs de toutes sortes de parasites« dont il convient de protéger les Polonais (Jaroslaw Kaczynski), Varsovie voit aujourd’hui validée par ses 26 partenaires sa vision stratégique de l’Europe : un atlantisme inconditionnel et une conception de la sécurité européenne qui ne voit désormais de salut que dans l’escalade des armes. Quo vadis, Europa ?

(1) Voir »le Grand Continent« , 24 mars 2022.
(2) Voir »Pologne : l’Europe du PiS« , Valentin Behr (25 juin 2018), »Regard sur l’Est« .
Tag(s) : #Paix
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