« La dictature c'est "Ferme ta gueule !", la démocratie c'est "Cause toujours !" » disait Coluche. Une formule qui sied bien au gouvernement, prétendant jouer la concertation tout en brandissant la menace du 49.3.

 

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On doit à Coluche d’avoir popularisé un jour cette boutade : « La dictature c'est "Ferme ta gueule ! ", la démocratie c'est "Cause toujours !" » La tournure prise par le débat budgétaire ne dément pas le père des Restos du cœur. 

Depuis que le Conseil des ministres du 12 octobre a autorisé le gouvernement à utiliser l’article 49-3 qui lui permet de faire passer le projet de loi de finance qu'il souhaite, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que 58 députés peuvent déposer, ces derniers débattent sous la menace d’une interruption des discussions qui peut intervenir à tout moment. Et cela sans savoir si les amendements qu’ils adoptent majoritairement, parfois contre l’avis du gouvernement, figureront dans le texte final.

Si les députés ont ainsi rejeté l’article liminaire qui fixe la prévision du déficit public à 5 % du PIB, ils ont aussi adopté 54 amendements en six jours de débats, dont le rétablissement de l’exit-tax, un dispositif contre l’évasion fiscale supprimé en 2018. 

Mais aussi, à l’initiative du MoDem, la création d’un statut d’investisseur immobilier, le relèvement proposé par LR de « la valeur faciale des titres-restaurant de 11,84 euros à 13 euros, afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés », l’extension réclamée par le PCF de la demi-part fiscale supplémentaire à tous les veufs et veuves d’anciens combattants « quel que soit l’âge de décès de leur époux »… 

Les députés peuvent bien adopter majoritairement des dispositions, à la fin Matignon et l’Élysée imposeront leur texte.

Contrainte de reconnaître dimanche soir sur TF1 que les débats donnaient lieu à « des échanges de qualité », Élisabeth Borne a dû repousser quelque peu le moment où elle dégainerait le 49-3, celui-ci se justifiant essentiellement en cas de blocage. « Je souhaite que le débat ait lieu », a-t-elle déclaré. Non sans ajouter que « des propositions intéressantes dont certaines de la majorité et des oppositions pourront être reprises dans le texte final »

Lesquelles ? Avare de détails, Bruno Le Maire a indiqué sur BFMTV qu’il garderait la TVA à 5,5 % sur les masques ainsi qu’un allégement de la fiscalité des petites PME, adoptées à la demande respective du PS et du MoDem. Il refuse en revanche de retenir l’amendement de ce dernier sur les « super-dividendes », adopté par une large majorité dont 19 députés Renaissance : « On a une cohérence à avoir. Notre ligne politique c’est la stabilité fiscale et la baisse des impôts » (sic). 

Ce faisant, le gouvernement étend à la représentation nationale, au sein de laquelle il n’a qu’une faible majorité relative, sa méthode dite de concertation en vigueur avec les partenaires sociaux. Les députés peuvent bien adopter majoritairement des dispositions, à la fin Matignon et l’Élysée imposeront leur texte. Le « cause toujours » de Coluche se décline aussi en « vote toujours ».