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Analyse. Emmanuel Macron, candidat pour que rien ne change

PRÉSIDENTIELLE Avec la publication, ce lundi, de la liste des candidats, la campagne débute véritablement. Macron y entre timidement, sans se mouiller, et entend poursuivre son programme néolibéral.

Publié le
Lundi 7 Mars 2022
Éliane Assassi Sénatrice PCF
Éliane Assassi Sénatrice PCF
Albert Facelly
 

«Bien sûr, je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte. Mais avec clarté et engagement j’expliquerai notre projet, notre volonté de continuer à faire avancer notre pays avec chacun d’entre vous. » Un aveu de campagne éclair qui conclut la « Lettre aux Français » d’Emmanuel Macron, publiée le 3 mars dans la presse régionale et dans laquelle il officialise sa candidature. Une déclaration certes ­obligatoire, pour que le Conseil constitutionnel valide ses parrainages, mais qui a pris la forme d’une sorte de minimum syndical, compte tenu du contexte international. À moins de quarante jours du premier tour, le président ­sortant entre certes en campagne, mais sans vraiment aller à la confrontation avec ses adversaires, comme s’il planait encore au-dessus des clivages.

Sa lettre, d’ailleurs, ne mentionne jamais ses concurrents, mais simplement le « moment électoral qui s’ouvre » (comme s’il avait fallu attendre sa déclaration de candidature pour que la campagne commence). Il faut lire entre les lignes pour déceler un tacle à ceux qu’il a tout intérêt à retrouver au second tour : Éric Zemmour ou Marine Le Pen. « L’enjeu est de bâtir la France de nos enfants, pas de ressasser la France de notre enfance », écrit-il à leur adresse, fustigeant ceux qui « choisissent le repli ou cultivent la nostalgie ». « La rhétorique du mouvement pour le mouvement, de la transformation, du regard vers l’avenir est fondamentale dans le discours macronien », relève le linguiste Damon Mayaffre.

Même si Emmanuel Macron s’efforce de ne pas utiliser de marqueurs trop politiques dans sa lettre, pour garder une stature de rassembleur, le contenu de sa déclaration ne laisse planer aucun doute sur la tonalité d’un éventuel second mandat. Si vous avez aimé « Macron I », vous adorerez « Macron II » car ce sera exactement la même chose. Après le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron invente le « travailler plus pour ne pas avoir moins » : « Il n’y a pas d’indépendance sans force économique. Il nous faudra donc travailler plus et poursuivre la baisse des impôts pesant sur le travail et la production. C’est à la condition de cette reconquête productive par le travail que nous pourrons préserver et même améliorer ce modèle social auquel nous tenons tant et qui a fait ses preuves. » Rogner sur le modèle social pour le préserver, tout un concept : le candidat confirme, de fait, sa volonté de reprendre la réforme des retraites.

L’esprit de Sarkozy n’est pas très loin non plus quand le chef de l’État évoque « une histoire, une langue, une culture que, lorsque l’on est Français, on se doit de connaître, d’aimer, de partager ». Ou encore « une ­ citoyenneté qui ne repose pas seulement sur des droits, mais sur des devoirs et un engagement de chaque jour. Parce que le respect des lois n’est pas négociable, nous poursuivrons l’investissement dans nos forces de sécurité et notre ­justice ». Les devoirs avant les droits, une antienne qu’Emmanuel Macron a faite sienne, à la faveur d’un tournant droitier sur le régalien, à partir de 2019.

Un président sortant très satisfait de son bilan

Rien de très neuf, donc, par rapport aux cinq années passées. Pour cause, à l’instar des ministres qui ont chanté sur tous les tons que le quinquennat fut celui du « pouvoir d’achat retrouvé », le président sortant s’affiche très satisfait de son bilan : « Grâce aux réformes menées, notre industrie a pour la première fois recréé des emplois et le chômage a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans. Grâce au travail de tous, nous avons pu investir dans nos hôpitaux, recruter policiers, gendarmes, magistrats et enseignants… » Oubliant que 5 700 lits d’hôpitaux ont été fermés en 2020 en pleine pandémie, et que le nombre d’emplois précaires a explosé.

Il faut dire que, s’il est attentif aux sondages, Emmanuel Macron a toutes les raisons d’être confiant. Il bénéficie d’un solide socle électoral, que les dernières études d’opinion semblent consolider avec une nette hausse, entre 2 et 4 %, en raison notamment de son rôle de chef de l’État dans un contexte guerrier : entre 27 et 30,5 % des voix dès le premier tour. Un socle qui comporte encore, en plus des ex-électeurs de François Fillon ralliés en cours de mandat, et malgré le virage à droite du quinquennat, de nombreux électeurs sociaux-démocrates déçus des campagnes du PS ou d’EELV.

« Il est dans une meilleure position que ses prédécesseurs, confirme Vincent Martigny, professeur à Sciences-Po Paris. Mais il faut regarder aussi ce qui se joue autour de lui. Quelles sont les alternatives ? La piètre reconnaissance dans l’opinion de la qualité de son opposition joue beaucoup dans sa popularité relative. C’est le produit de la décomposition politique. Sans minimiser l’action du président et ses conséquences, il y a une sorte d’effet de vide. » De quoi le convaincre de ne pas trop mouiller la chemise dans les débats à venir ? « Emmanuel Macron n’aura pas besoin de faire une campagne très longue, il peut simplement s’appuyer sur son aura présidentielle. Il peut dire : “Je n’ai pas le temps, j’ai à gérer des choses plus graves avec l’Ukraine” », souligne le politologue du Cevipof, Luc Rouban.

C’est un secret de Polichinelle, au sein de la Macronie, ils sont nombreux, en off, à penser avoir déjà gagné l’élection. Les législatives qui suivent les plongent en revanche dans l’incertitude. Les élections locales et les mésaventures de certains députés lors des municipales prouvent que LaREM a complètement manqué son enracinement dans les territoires. Une nouvelle vague Macron à l’Assemblée nationale ne lui est donc pas acquise. « Y aura-t-il à nouveau une vague qui renouvellera la majorité présidentielle actuelle ? Peut-être y aura-t-il au contraire une autre majorité avec laquelle il devra composer, avec la droite LR par exemple », imagine Vincent Martigny. Et d’ajouter : « Dans ce cas, son absence de colonne vertébrale sera encore une force. » Renaud Muselier, Martine Vassal, Jean-Pierre Raffarin… ils sont déjà quelques-uns, chez LR, à avoir choisi de suivre le sens du vent et de soutenir le président sortant.

Tag(s) : #Elections
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