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Acte III de la décentralisation : Moratoire sur une réforme mal partie !
lundi 25 mars 2013
Lettre de Dominique Adenot Maire de Champigny-sur-Marne
"Autrefois, sur les passages à niveau, il y avait un panneau de signalisation indiquant « attention : un train peut en cacher un autre ». La situation aujourd’hui m’y fait penser : maintenant que le métro automatique est relancé, que cela repart dans le bon sens pour Champigny, une autre question va se poser très vite : le gouvernement entame la réforme dite de l’ « Acte III de la décentralisation », et là on fait plutôt le constat qu’on est sur de mauvais rails.
En prévision du Conseil des ministres, le gouvernement a pour l’instant choisi la version la plus « hard » pour la construction de la « Métropole de Paris ». On attendait de Madame Lebranchu, ministre en charge de cette réforme, qu’elle abroge la réforme initiée en 2010 avec Nicolas Sarkozy. Au lieu de cela, on reste dans les mêmes ornières : la Métropole de Paris serait administrée par un G20 de présidents de grandes intercommunalités administratives (au minimum 300 000 habitants) regroupant obligatoirement toutes les communes, dont la carte et la mise en œuvre devraient s’imposer avant décembre 2015. Cette Métropole disposerait de très larges pouvoirs issus d’un transfert obligatoire des communes, au 1er degré, et en second lieu des Départements et de la Région vidés de leur capacité d’initiative. Cette Métropole serait une collectivité supplémentaire chapeautant tout, elle récupérerait aussi les services communs exercés actuellement par les grands syndicats intercommunaux (assainissement, enlèvement des ordures ménagères), où chaque ville est aujourd’hui représentée à égalité…
Cette Métropole, gouvernée par un aréopage d’une vingtaine d’élus désignés au 3ème degré ne rendrait pas de compte aux conseils municipaux et que les maires ne seraient consultés qu’une fois par an. Les villes seraient d’ailleurs obligées de transférer ou de restructurer de nombreux services (urbanisme, politique de la ville, habitat, etc.) d’autant que les dotations d’Etat aux collectivités devraient subir une baisse de 4,5 milliards d’euros sur 3 ans.
Jamais, si une telle hypothèse allait à son terme, une telle concentration des pouvoirs n’aurait existé à Paris, même pas du temps de l’ancien Département de la Seine dirigé par le Préfet de Paris. Jamais on aurait éloigné autant 7 millions de citoyens de leurs élus. Et pour quel objectif ? Faire diriger l’agglomération parisienne dans le seul but de s’aligner sur la concurrence internationale avec les autres Métropoles européennes : le maître mot dans le prologue de cette réforme c’est « compétitivité », sa logique conformément aux consignes de la Commission européenne c’est d’aller vers des regroupements et des fusions de collectivités.
Et cela se ferait avec une région capitale qui privilégierait les secteurs d’affaires et les beaux quartiers en laissant le plus grand nombre à la traine.
La chance de Paris et de sa banlieue, c’est au contraire de faire émerger une métropole pour tous, une agglomération partagée. C’est dans ce sens que nous avons travaillé avec 200 maires ou présidents d’agglomération depuis 4 ans au sein du syndicat « Paris Métropole » malgré les différences politiques. Nous avons ouvert des pistes, souligné des priorités, notamment la nécessité partagée que les communes soient au cœur du développement métropolitain, et nous étions assez nombreux aussi à penser que les Départements et la Région devaient être associés clairement à cette construction. On demandait que les intercommunalités tiennent compte de la spécificité de la région parisienne, qu’elles soient des constructions volontaires, des « coopératives » - Le couperet vient de tomber : le schéma qu’on voudrait nous imposer c’est une recentralisation brutale et autoritaire, une nouvelle gouvernance aux pouvoirs exorbitants dont le gouvernement serait désigné au 3ème degré sans véritable contrôle citoyen.
Il faut suspendre cette réforme et engager un grand débat citoyen. Cela pose une véritable question démocratique pour le calendrier à venir : en 2014 et 2015 les citoyens sont appelés à désigner les conseils municipaux et les conseillers départementaux, avec un nouveaux redécoupage sur ces derniers.
Et en fait, quels que soient les choix locaux effectués dans ces deux scrutins, par le biais des transferts de pouvoir vers le gouvernement métropolitain, le résultat de ce qui serait décidé par les citoyens dans chaque ville peut être complètement contredit au niveau de la métropole : un comble !
Il y a urgence à reprendre un débat national à la hauteur pour une question aussi grave, qui ne peut pas se décider à la sauvette : je suis de ceux qui demandent un moratoire sur cette réforme. Elle est si lourde de conséquence, qu’il serait nécessaire qu’elle fasse même l’objet d’un référendum.