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Lu sur Contrepied - L'éditorial de Sébastien Crépel - 12 mars 2025 | L'Humanité : lire, agir

Contrepied

le 12 mars 2025

Le contretemps est parfait. Premier mouvement, Donald Trump et son vice-président J. D. Vance mettent en scène le retournement d’alliance des États-Unis, en humiliant publiquement Volodymyr Zelensky dans le bureau Ovale, le 28 février, et en annonçant le gel de leur aide militaire, acquise à Kiev depuis le début de la guerre déclenchée par la Russie en 2022.

Le deuxième mouvement se joue les 5 et 6 mars, de l’autre côté de l’Atlantique. En France, Emmanuel Macron annonce solennellement à la télévision la nécessité d’un vaste effort de réarmement face à la « menace russe », la veille d’un sommet européen réuni pour voler au secours de l’allié ukrainien. Le troisième mouvement s’esquisse cette fois au bord de la mer Rouge, le 11 mars. En Arabie saoudite, les Ukrainiens et les Américains s’accordent sur l’idée d’une trêve de trente jours dans le conflit qui a déjà fait un million de morts, blessés ou disparus, et sur le rétablissement de l’aide militaire états-unienne comme gage de sécurité.

Le moins que l’on puisse dire est que les Européens ont été pris complètement à contrepied par le jeu américain. Moscou n’a pas encore fait connaître sa réponse à l’heure où ces lignes sont écrites. Mais d’ores et déjà, il est acquis que l’Europe et la France ont été tenus hors jeu de ce round de discussions. Pis, au moment même où se dessinait la possibilité d’un apaisement, le président Macron prolongeait ses accents martiaux devant les chefs d’état-major de trente pays réunis sur la question de la sécurité de l’Ukraine… dont le sort se discute ailleurs et sans lui. Le piège se referme sur l’Europe, entraînée dans une fuite en avant militariste par le président Trump lui-même, qui a joué à la perfection de sa diplomatie agressive et déloyale pour amener Volodymyr Zelensky à ses vues. Quant à la mobilisation de moyens colossaux dans la défense des États européens, elle correspond exactement à ce qu’attendait Trump, qui espère vendre des armes aux pays alliés de l’Amérique plutôt que d’assurer leur protection sur les deniers de cette dernière.

Pendant que le président américain néofasciste est sur le point d’endosser à bon compte les habits de faiseur de paix, dans les démocraties européennes attachées à l’État de droit, la machine de propagande se met en marche pour réveiller les patriotismes les plus belliqueux. Terrible paradoxe, qui masque l’impuissance de notre continent à sortir de la logique d’escalade militaire avec la Russie, menée sous l’impulsion de Joe Biden à la Maison-Blanche ces trois dernières années. Cette démission diplomatique européenne laisse aujourd’hui le champ libre à un projet de « pax americana » qui prévoit la mise en coupe réglée des ressources de l’Ukraine et la cession de territoires à l’ennemi russe. La paix au prix de la soumission aux desiderata de l’Oncle Sam.

Sébastien Crépel

Tag(s) : #Guerre intervention paix
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