Par Francis Wurtz, Député honoraire du Parlement européen
le 29 mars 2024 à 14:51
Face à l’impasse actuelle sur la ligne de front de la guerre russo-ukrainienne, le matraquage militariste a franchi un nouveau seuil en Europe, au point d’en devenir insupportable. Emmanuel Macron a, comme il se doit, pris le leadership de cette gesticulation guerrière en « brisant le tabou » de l’envoi éventuel de « troupes au sol » dans le pays agressé ; en ironisant sur la pusillanimité de ses proches alliés qui, au début du conflit, envisageaient de « proposer des sacs de couchage et des casques » aux Ukrainiens ; en invitant ses homologues à « ne pas être lâches » ; en affirmant ne se fixer, quant à lui, « aucune limite, aucune ligne rouge » dans l’engagement français au côté de Kiev ; puis en lâchant, semble-t-il, d’un ton détaché, devant quelques proches : « De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa », avant de se mettre en scène en pleine séance de boxe, dans l’une de ces poses virilistes habituellement plus en vogue à Moscou qu’à Paris… De l’initiative politique la plus aventureuse à la communication la plus déplacée : Macron tel qu’en lui-même.
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Bruxelles n’est pas en reste. La présidente de la Commission, von der Leyen, outrepassant allègrement son champ de compétences, évoque devant le Parlement européen « une menace de guerre », quoique « peut-être pas imminente » (!) et invite les Européens à « y être préparés ». Le président du Conseil européen, Charles Michel, y va également de son couplet belliciste : « L’Europe doit passer en mode économie de guerre », proclame-t-il, martial, car, pour ce pâle imitateur de Clausewitz, « si nous voulons la paix, il faut nous préparer à la guerre ». N’hésitant pas à en rajouter sur sa rivale von der Leyen, il nous met en garde : « Si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine, nous serons les suivants » ! Manifestement fier que ce soit sous sa présidence qu’a été actée « la naissance de l’UE géopolitique » et qu’a eu lieu « une première dans l’histoire de notre Union : (la livraison) d’armes létales à l’Ukraine » ! « Nous pouvons être fiers de ce que nous avons déjà accompli », confirme le représentant des 27 États de l’Union européenne : « L’industrie de défense a augmenté sa capacité de production de 50 % depuis le début de la guerre et nous doublerons la production de munitions pour atteindre deux millions d’obus d’ici la fin de l’année prochaine. » Quant aux projets de renforcement de notre industrie d’armements d’ici à 2030, ils offriront « de la prévisibilité accrue à nos entreprises » et permettront de « créer des emplois et de la croissance dans l’ensemble de l’UE », ose-t-il ! « Nous devons être capables de parler le langage de la puissance, nous devons opérer un changement radical et irréversible (sic) de notre réflexion », conclut le politicien, depuis son petit nuage guerrier.
L’exemple venant d’en haut, chaque pays a sa variété de va-t-en-guerre. En France, c’est la liste LR aux élections européennes qui innove en plaçant en troisième position le général Christophe Gomart, ancien directeur du Renseignement militaire et ex-commandant des opérations spéciales, l’un des nombreux experts qui nous font vivre en direct dans les médias la guerre, comme si vous y étiez. C’est que l’éventuel futur élu européen du parti d’Éric Ciotti sait apprécier en connaisseur notre armée, « la seule armée européenne qui intervienne à l’extérieur », « la seule qui ait été engagée de manière opérationnelle à travers l’Afrique, le Sahel, en Afghanistan, en Irak… et aujourd’hui encore au Liban ». Et donc ? « Elle est prête de manière opérationnelle ; maintenant, elle a besoin de se réarmer. » C’est quand même beau tout ce dévouement à la cause de la solidarité et de la paix.