Le pays vote de nouveau le 30 octobre. L'avance confortable de Lula sur Bolsonaro dans les sondages a fondu. Une défaite renforcerait le camp de la révolution ultra-conservatrice qui frappe à notre porte.

 

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D ans une semaine, nous ne choisirons pas seulement un nouveau président. Nous allons définir qui nous sommes et qui nous voulons être dans le monde », lançait avec gravité l’éditorialiste brésilien Jamil Chade devant plusieurs centaines de personnes rassemblées pour défendre « la démocratie en danger », samedi dernier place de la Nation à Paris. « Ce qui nous attend est l’élection la plus importante de notre éphémère aventure démocratique. »

Dimanche prochain, à l’heure du dépouillement des urnes au Brésil, la nuit risque d’être longue, et pourrait peut-être se prolonger pendant quatre ans encore. La moitié du pays est en apnée alors que l’angoissante perspective d’un renouvellement du mandat du président d’extrême droite prend sérieusement corps. Depuis le premier tour (2 octobre), l’avance de Lula sur Bolsonaro dans les sondages n’a cessé de se réduire, passée de 58 %/42 % à 52 %/48 %, avec une marge d’erreur évaluée à 1,5 point.

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Si Lula l’emporte, la clameur de son camp n’exprimera que le soulagement. La victoire, elle, appartiendra aux diviseurs et aux semeurs de haine d’en face. Ils ont réussi, en quatre ans, à transformer la vie politique en un catéchisme moral dévoyé. Où les bolsonaristes veulent faire société en décidant d’exclure les minorités ethniques et de genre. Où le projet économique consiste à désindexer le salaire minimum et les retraites de l’inflation, promettant la très grande pauvreté aux déjà pauvres. Où le premier personnage de l’État mime une toux pour se moquer des gens qui ont peur du covid – il a tué 700 000 Brésilien·nes. Où des « petites gens » n’osent plus manifester leur préférence pour Lula (y compris dans les urnes) parce que leur église évangélique menace de les excommunier pour penchant « satanique ».

Elles sont nombreuses, les voix qui perçoivent combien le résultat du 30 octobre portera au-delà des frontières du pays.

On aurait tort de renvoyer ces dérives (et il faudrait des pages pour en rendre l’exhaustivité) à un décorum tropical. « Cette élection va affecter la vie de chacun d’entre vous, poursuivait Jamil Chade. Des rues élégantes de Paris aux quartiers populaires des villes du continent européen. »

Et elles sont nombreuses, les voix qui perçoivent combien le résultat du 30 octobre portera au-delà des frontières du pays. C’est un large peuple qui retient lui aussi son souffle. Pas seulement pour l’Amazonie dévastée comme jamais si Bolsonaro se retrouve en capacité de poursuivre son « œuvre ». Mais parce que le Brésil, avec son style, viendrait renforcer et banaliser le camp d’une révolution ultra-conservatrice, pour ne pas dire plus, en marche jusqu’à nos portes.

Après la Pologne, la Hongrie, la Suède et l’Italie, qui ne perçoit pas, « chez nous », que la France pourrait entrer dans ce « club » nauséabond en 2027 ?