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Lu sur http://clementineautain.fr/


Cette première rencontre nationale de la Fédération a été un véritable succès. Près de 800 personnes étaient présentes vendredi pour assister à l’ACTE 1 de la Fédération ! Voici le texte de mon intervention (conclusion de la soirée) et quelques photos de la soirée (d’autres photos sur la photothèque du mouvement social).

Clémentine Autain


Comme vous l’avez vu ce soir, la Fédération pour alternative sociale et écologique est un espace qui assume et revendique sa diversité. Nous avons la volonté de construire du commun à partir de nos différences. C’est un enjeu qui n’est pas aussi simple qu’il y paraît mais nous sommes convaincus que la gauche alternative ne peut se renouveler que par un mélange, une articulation entre les différentes traditions et sensibilités qui la composent. On pourrait même dire que c’est notre marque de fabrique.

Car, chers amis, chers camarades, que peut être un projet émancipateur au XXIe siècle s’il ne sait pas conjuguer les fondamentaux du mouvement ouvrier ET de l’écologie politique ? Que peut être un projet émancipateur au XXIe siècle s’il ne se nourrit pas des apports du féminisme ? Comment pourrait-on se passer de ce qui a émergé avec force dans l’alter-mondialisme et les mouvements anticonsuméristes ? Comment une gauche digne de ce nom pourrait-elle considérer à la marge la lutte contre le néo-colonialisme et l’antiracisme, pour l’égalité ?

Bref ! On a besoin de tous ces apports pour combattre efficacement la politique pro-capitaliste et autoritaire de Nicolas Sarkozy. La convergence de l’ensemble des combats émancipateurs est le défi de notre temps. Pas pour faire un énième catalogue de revendications sectorielles mais pour dégager un projet fédérateur, qui parle du et au monde contemporain, dans lequel les réponses économiques ne seront pas l’alpha et l’oméga de l’émancipation, au détriment des questions écologiques, identitaires et culturelles.

 Et pour le faire, on ne peut pas demander aux uns et aux autres de se ranger derrière une sensibilité, autour d’une seule tradition. La mise en commun suppose le respect de chacun, dans cette salle, au sein de la Fédération et bien au-delà. Car oui, nous l’assumons clairement, il n’est pas question de construire, à partir de nos seules forces, le cadre politique dont notre peuple a besoin pour faire face aux graves crises économiques, écologiques et démocratiques que nous traversons. Nous voulons travailler avec tous ceux que nous considérons comme nos partenaires : les militants et sympathisants du Parti de Gauche, du Parti Communiste Français et du Nouveau Parti Anticapitaliste. Nous nous adressons aussi à tous les orphelins d’un espace politique résolument à gauche, qui leur ressemble. A celles et ceux qui savent les ruptures nécessaires avec la logique capitaliste et son modèle de croissance dictée par la finance. A celles et ceux qui veulent bâtir un autre modèle de développement, contrôlé par les peuples et non par les actionnaires, pour l’émancipation des travailleurs, pour la préservation des ressources naturelles et pour libérer nos imaginaires. Nous nous adressons à celles et ceux qui estiment les clivages dépassés. Et qui considèrent obsolètes les vieilles oppositions entre réformes et révolution, entre social et politique, entre individu et collectif.

Nous avons une conviction forte : la gauche ne peut se renforcer, reconquérir une « hégémonie culturelle » comme aurait dit Gramsci, et battre la droite que si elle affronte, pied à pied, sur le fond, sa politique. Là, on s’en prend plein la gueule… Paquet fiscal, plan de sauvegarde des banques, mainmise des pouvoirs politiques et économiques sur les médias, démantèlement des services publics, franchise médicale et hôpital-entreprise, autonomie des universités, remises en cause de l’indépendance de la justice, aggravation des peines, chasse aux sans-papiers, fichiers en tous genres pour nous fliquer… Je n’ai pas fait toute la liste, nous avons abordé ce soir beaucoup des combats d’aujourd’hui…

Et comme chaque jour apporte son lot de remise en cause des acquis sociaux, chaque jour apportera donc son lot de mobilisations. Et que le gouvernement ne croit pas que l’on va se laisser intimider par ses menaces, son mépris et la pénalisation des gens qui contestent l’ordre dominant. Il n’est pas question de subir. Nous sommes et serons en résistance. Et on ne va pas se laisser endormir la Sarkozy, la mouche tsé-tsé, avec sa « pédagogie de la crise », comme si on ne comprenait pas ce qui se passe et combien le gouvernement n’est pas décidé à changer de cap. Hier soir encore à la télé, le Président de la République a confirmé : non à l’augmentation du SMIC. Seule proposition concrète : la suppression de la TP, la taxe professionnelle, c’est-à-dire un cadeau aux entreprises et du manque à gagner pour collectivités locales. La droite mène une politique de classe au service des vainqueurs du système. Que l’on ne compte pas sur nous pour tendre l’autre joue, on va se battre, avec le mouvement social, et dans l’espace proprement politique, pour et avec les exploités et les dominés. Le 29 janvier, des millions de gens sont descendus dans la rue pour dire STOP. La réussite de cette journée de convergence des différents secteurs en lutte, c’est un point de départ. Maintenant, il faut gagner. Faire reculer le gouvernement. Et se retrousser les manches… Pour qu’émerge une perspective politique à niveau des aspirations sociales qui s’expriment avec une radicalité croissante.

 Pour faire émerger cette perspective politique, on ne part pas de rien : des bases sérieuses pour une alternative sociale et écologique, et des jalons tout aussi sérieux pour une stratégie, existent. Qu’on commence par augmenter les salaires et les minima sociaux, par interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, par taxer les capitaux et conforter les services publics. Mais cela ne suffira pas ! En fait, on dit qu’on veut plus de pouvoir d’achat, mais je crois qu’au fond, ce qu’on veut, c’est surtout du « pouvoir vivre »… juste pour que certains arrêtent de survivre et que tout le monde vive décemment. Nous savons d’ores et déjà qu’il faut aussi étendre le champ des services publics au système bancaire, à l’eau, à l’énergie ou encore à l’accueil de la petite enfance – ça serait bien que tous les enfants de moins de trois ans aient une place en crèche, ça favoriserait l’égalité devant l’emploi entre hommes et femmes. Et je ne vous parle pas ce soir de tout ce qu’il faudrait faire pour supprimer la misère dont souffrent les exclus et les exploités d’un système capitaliste construit sur le profit immédiat d’une minorité, pour mettre fin à la famine qui touche principalement les paysans du sud victimes des politiques de l’OMC et de la FAO, tout ce qu’il faudrait faire pour redonner vie à la démocratie, pour sauver la planète, préserver ses ressources et sa biodiversité, pour réduire l’empreinte écologique, pour substituer à la politique de surconsommation celle de la sobriété et du développement des énergies renouvelables, pour limiter la sphère marchande, pour s’attaquer aux discriminations en tous genres, pour que les territoires échappent aux logiques ségrégatives ou pour que l’école soit une chance pour chaque élève.

Nous – l’autre gauche – avons des éléments substantiels de réponse concrète, une orientation clairement identifiable, un socle solide de valeurs et une pratique d’actions communes, mais nous ne savons pas tout. Ceux qui prétendent le contraire risquent fort de ressasser les formules anciennes. Innover, sur le fond comme sur la forme d’ailleurs, c’est un enjeu fondamental pour redonner du souffle à gauche, pour redonner envie. Encore faut-il en avoir l’ambition… C’est en tout cas notre manière de prendre au sérieux la crise de la représentation politique et la faiblesse de la gauche. La crise de la politique, c’est celle des citoyens dépossédés de la maîtrise de leur propre sort. Or, l’émancipation commence dans le mouvement émancipateur lui-même – les féministes le savent bien. Nous voulons contribuer à cette nécessaire dynamique.

Tout ça, on ne le fera pas tout seul, on l’a dit mille fois ce soir. La méthode ? C’est l’unité de l’autre gauche, de celle qui ne s’excuse pas d’être de gauche, qui veut rompre avec le social-libéralisme, qui n’a jamais perdu le chemin des manifestations, celle qui est réaliste et ne croit pas qu’on peut changer la vie des gens en accompagnant l’économie de marché, qui ne demande pas un peu plus d’argent pour le RSA mais en conteste sa logique, une gauche qui s’oppose à la cogestion de l’Union européenne avec la droite, qui refusent les traités libéraux et antidémocratiques, comme le traité de Lisbonne, qui n’a pas peur de défendre clairement le peuple palestinien. L’unité de la gauche digne de ce nom : quoi de plus cohérent ? La mise en commun des forces : quoi de plus efficace ? Le pluralisme des cultures politiques : quoi de plus porteur ? Soyons lucides : la chute du Mur de Berlin et l’impasse des expériences sociale-démocrates ont profondément changé la donne. Ca bouscule les repères et les frontières entre courants historiques du mouvement ouvrier. Ca oblige aussi à repenser les conditions d’un changement radical de société. Il n’y a pas de transformation profonde et durable sans mobilisation populaire. Dans le même temps, la construction de majorités politiques, dans le cadre du suffrage universel, est à prendre au sérieux si l’on prétend vouloir changer de société sans prendre les armes.

 Pour que le débat soit fécond et les réponses à la hauteur, nous considérons le pluralisme et le mélange des expériences comme un atout indispensable. De l’Appel Ramulaud de 2003 à l’appel Politis de 2008, nous avons les uns et les autres cheminés dans différents espaces de convergence. Il y a de quoi être frappé par la permanence du désir d’unité, qui remonte plus loin encore. On a échoué plus d’une fois mais cette perspective a fait son chemin. Elle s’impose de plus en plus dans le débat public et les organisations politiques concernées sont sommées de répondre, d’une manière ou d’une autre, à cette aspiration. On a alors peut-être déjà gagné une bataille ! Mais on n’a pas encore gagné la guerre…

Notre Fédération de forces et de citoyens est là pour contribuer à ce que cesse l’émiettement de la gauche radicale, pour qu’on arrête cette division mortifère pour tous. La Fédération sert à mettre nos forces en commun pour faire caisse de résonnance en faveur de l’unité, dans les luttes, dans la rue et dans les urnes ! Nous acceptons la double appartenance, ça en agace beaucoup, mais c’est justement parce que nous ne voulons pas constituer une organisation de plus, qui se construirait contre les autres, dans une logique de concurrence, mais un espace ouvert, dans lequel des citoyens déjà organisés ailleurs ont toute leur place, à égalité avec les citoyens sans carte. Si elle n’est donc pas un parti politique, la Fédération est un cadre organisé pour peser et agir, dans lequel on peut concrètement s’engager. Ensemble, nous visons une force plus large dans laquelle nous pourrions tous nous retrouver.

Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Acte I : nous nous fédérons. Nous en sommes là. Nous engageons avec passion un travail dans la durée pour un nouveau projet politique de transformation sociale et écologique. Nous fédérons nos espoirs, nos combats. Et nous sommes prêts à faire évoluer ce cadre au fur et à mesure de son élargissement.

Avec un espoir et un objectif pour l’Acte II : mener une campagne unitaire aux élections européennes. Jusqu’au bout, nous appellerons tous nos partenaires de la gauche de gauche et écologique à faire cause commune. Les bases d’un programme existent, la stratégie ne pose pas de difficulté – il n’est pas question de bâtir une majorité avec les socialistes qui, en l’occurrence, gouvernent l’Europe avec la droite. Que demander de plus ? Un front durable ? Qu’à cela ne tienne, nous ne demandons que ça !

La responsabilité des uns et des autres est engagée. Une seule chose doit nous guider : l’intérêt de celles et ceux qui ont besoin que nous soyons forts, que nos idées pèsent dans le débat politique en général et jusqu’au Parlement européen. Ne serions-nous pas la gauche de gauche la plus bête du monde si, trois ans après la victoire du « non » contre le TCE, nous ne réussissions pas une dynamique politique pour une autre Europe ? Nous pensons qu’il est temps de créer pour cela un cadre unitaire ouvert avec tous ceux qui y sont prêts.

Acte III ? Je vous laisse imaginer… D’ici là, construisons localement des Fédérations partout, menons le débat avec tous les courants politiques de la gauche radicale et écologique, popularisons l’idéal d’unité, au-delà des intentions : dans l’action. Remuons-nous les méninges. Et soyons vent debout contre la droite au pouvoir qui a décidément besoin d’une bonne gauche.

Tag(s) : #Annonces et compte-rendus de réunions
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