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Lu sur http://maintenantagauche.org/?m=200805

Les militants de gauche, habités par la fidélité à un combat multi-séculaire ne se résignent pas spontanément à des retournements d’alliances ou de concepts qui paraissent trahir au plus profond d’eux-mêmes leur idéal. C’est pourquoi les chefs de parti justifient les ruptures stratégiques dans des contorsions dialectiques phénoménales empruntant parfois des formules cinglantes.Souvenez-vous de la posture des dirigeants communistes, lors de la signature du pacte germano-soviétique, renvoyant dans un premier temps dos à dos l’Allemagne nazie et l’impérialisme britannique ou d’un Guy Mollet qui après-guerre ne cessera de répéter que les communistes ne sont ni à gauche ni à droite mais toujours à l’Est !

Tout près de nous et dans l’actualité, les joutes que se livrent la dame Royal et le sieur Bertrand, ont de quoi déboussoler la base. Le maire de Paris conspue l’alliance avec le Modem qu’il était  -  soit dit en passant - à deux doigts de conclure aux municipales, contrant ainsi la prétendue “stratégie du grand arc en ciel” de sa concurrente, en fait stratégie de centre-gauche, comme la sienne, et dont on feint d’ignorer, dans les médias, les faillites électorales récentes, Outre-Manche, de l’autre côté des Alpes et sur notre propre sol après trois échecs successifs à la présidentielle !

Ces postures respectives ne contribuent guère à donner sens à cette triviale confrontation de personnes, faisant feu de tous bois, dictée par une plate compétition pour le leadership du PS. Car après le trop flou slogan du “gagnant-gagnant” de Ségolène vantant les mérites d’un nouveau compromis social fondé sur la flexi-sécurité, Delanoë crée la surprise dans une audace sémantique qui conjugue  socialisme et libéralisme. Mais de quoi s’agit-il en substance ?

Avant de lire ce livre d’entretien avec Laurent Joffrin, directeur de Libé, empruntons à ce même journal quelques éléments d’information. Cet ouvrage affiche un titre prometteur ” De l’audace “. Ce néo-Danton pousse la coquetterie un peu loin en se définissant, dans une formule aujourd’hui provoquante, comme  «socialiste ET libéral». «Je ne refuse pas mécaniquement ce vocable, libéral», affirme-t-il, qualifiant le «libéralisme» de «philosophie politique». «Ce sont les conservateurs qui l’ont dévoyé au service du laisser-faire économique et de la perpétuation des rentes et des privilèges dont ils bénéficient». Le socialisme «doit se réconcilier avec la notion même d’individu. Nous ne sommes plus au temps du marxisme qui raisonne sur des classes sociales et qui finit par broyer les hommes», selon lui. La  flexibilité trouve même grâce à ses yeux car «il faut briser les idoles, c’est la condition de la pensée libre !». Il surpasse ainsi sa rivale qui prône à tout va la flexi-sécurité en  exigeant «plus de souplesse pour l’entreprise, mais plus de garanties pour ceux qui doivent changer d’emploi». Bertrand Delanoë travestit davantage son socialisme dans un nouvel aggiornamento qui exprime franchement le nouveau challenge de la gauche : «il faut inventer maintenant le socialisme dans la mondialisation». Et d’expliquer que «si les socialistes du XXIe siècle acceptent enfin pleinement le libéralisme, s’ils ne tiennent plus les termes de “concurrence” ou de “compétition” pour de gros mots, c’est tout l’humanisme libéral qui entrera de plein droit dans leur corpus idéologique».Il juge par ailleurs que le projet de la candidate à la présidentielle n’a pas été «suffisamment crédible» et a manqué de «clarté, de cohérence» et  que «Sarkozy est antilibéral dans bien des domaines»«il entrave les libertés individuelles et il ignore les libertés collectives»dans une pratique politique “arrogante et égotique”.

Entendons-nous bien. Il faut, à juste raison, considérer le libéralisme politique à sa source et  en revendiquer à gauche une grande part d’héritage. Sans gommer ses divergences philosophiques et politiques -  peut être en partie déjà à l’origine de certains clivages politique entre gauche et droite puis libéraux et socialistes -  on doit à  l’esprit des Lumières, les libertés publiques, individuelles et collectives qui constituent un leg majeur. Cette contribution de l’histoire des idées à notre entrée dans la modernité a pris corps dans la réalité grâce aux combats révolutionnaires et républicains fondateurs de notre identité républicaine. Laquelle s’est épanouïe aussi sous l’effet des exigences sociales portées par le mouvement ouvrier, lui même nourri de théories éclectiques, conjugant dans des traditions utopiques, quarantes-huitardes et jaurésiennes ( et parfois même  libertaires pour reprendre le parcours d’un Aristide Briand ), le meilleur des synthèses républicaines et socialistes.

Ne faisons donc point insulte à la Raison en feignant d’ignorer la réalité d’une marche multi-séculaire semée d’embûches vers cette conquête d’une République laïque, démocratique et sociale. Que de sang versé, de luttes de classes impitoyables, d’ardeur et d’audace intellectuelles et politiques avant d’abattre tout à la fois les privilèges et l’obscurantisme ! Dans un précédent billet intitulé ” Main basse des néo-libéraux sur l’Etat de droit “, nous stigmatisions l’archaïsme des “discussions académiques du siècle passé entre libéraux, défendant l’Etat de droit, et marxistes, appuyant la dénonciation du libéralisme sur la critique des libertés formelles ” pour conclure sur le fait qu’en France, ” le néolibéralisme constitue aujourd’hui, à bien des égards, une menace pour la tradition démocratique républicaine. Les débats qui traversent l’actualité en sont une illustration symptomatique. La remise en cause ouverte de la laïcité participe d’une entreprise idéologique néo-conservatrice, soucieuse de subvertir les valeurs de progrès et de modernité. L’atteinte aux principes de base de l’Etat de droit - non rétroactivité de la loi pénale, respect de la Constitution, indépendance du pouvoir judiciaire - prépare un retournement complet des rapports entre le pouvoir et le droit. Ce dernier subit les assauts répétés d’un président qui confond la modernité avec la liquidation d’un héritage précieux : celui de la République. On relève plus que jamais la pertinence de ce modèle, cher à la gauche, dans la résistance au néolibéralisme qui remet en cause le modèle social et les libertés au nom du marché et d’un retour à je ne sais quel ordre moral. Le combat politique passe par la capacité de la gauche à souder un vaste front social et culturel républicain pour mettre à mal cette entreprise néolibérale et néo-conservatrice qui s’attaque purement et simplement à notre Etat de droit.”

Dans cette conjoncture le maniement des oxymores et des raccourcis intellectuels peut paraître quelque peu décalé sinon provoquant sauf à considérer qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de pêcher ( pécher ? ) en eaux troubles ! Plus que d’oxymoron déboussolant, la gauche n’a -t-elle pas besoin d’oxygène vivifiant ?

Xavier Dumoulin

Tag(s) : #Débats
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