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logo.gifLe point de vue de JC GAYSSOT, ancien ministre

Il pense que les communistes doivent être

à l’initiative de la création d’une nouvelle formation politique.

Vous avez proposé il y a trois mois la création d’une force politique nouvelle à la gauche du PS. Pourquoi une telle proposition ?

Jean-Claude Gayssot. Pour être efficace. Pour peser et compter. Qui ne voit que se joue un affrontement essentiel sur l’idée même de la transformation sociale ? Chez nous comme ailleurs, le risque est réel d’une évolution vers un bipartisme politique et idéologique dont le socle commun serait le système capitaliste, la marchandisation de tout érigée en loi irréversible ! La fin de l’histoire. Le PS, non sans affrontement en son sein, voudrait devenir la force politique allant du centre à la gauche de la gauche pour représenter l’alternance, en se social libéralisant de plus en plus ouvertement. Comme communiste, je me refuse à cette perspective.

Le PCF n’est plus capable d’être cette force de transformation ?

Jean-Claude Gayssot. Je crois que les militants communistes, leur intelligence collective, sont capables d’être à l’initiative de la création d’une nouvelle force politique. J’ai vu que Marie-George Buffet disait qu’il faudrait aller plus loin que tout ce qui avait été fait et tenté dans le passé. Qu’elle n’excluait pas le changement de nom. Très bien. Mais je pense honnêtement qu’il faut surtout en finir avec la conception de l’organisation qui a prévalu jusqu’ici. À mes yeux la force transformatrice qu’il faut créer ne peut l’être sous le label ou la houlette du parti !

La LCR fait aussi la proposition de créer un nouveau parti. Quelle est la différence ?

Jean-Claude Gayssot. Olivier Besancenot dit qu’il ne veut pas rester figé sur la matrice trotskiste. Je lui reconnais un certain mérite car il le fait après un résultat à la présidentielle que beaucoup ont jugé honorable. Le problème, c’est que sa proposition est malheureusement liée à une stratégie uniquement contestataire et d’isolement. Je propose le contraire. Ce qu’il nous faut, c’est contester et construire. C’est être indépendant - ne pas se fondre dans une aile gauche du PS - et unitaire. Et ne pas négliger la conquête de positions dans les institutions.

Cette formation n’aurait pas pour vocation de représenter la gauche à la place du PS ?

Jean-Claude Gayssot. Non ! Mais elle devrait avoir l’ambition de devenir majoritaire et d’être tout de suite incontournable. C’est possible si on travaille à la fois à un projet transformateur, si on a la volonté de rassembler contre la politique de régression que met en oeuvre la droite, si on prend l’initiative de proposer le débat et la rencontre avec toutes celles et tous ceux qui, dans les autres partis et mouvements, refusent le compromis libéral.

Pourquoi pas le PCF avec sa visée communiste ?

Jean-Claude Gayssot. Regardons la réalité en face. Nous subissons de plein fouet ce que j’ai appelé le « vote inutile ». À l’échelle du monde combien de partis communistes se sont créés et combien ont disparu ? Quelle image prévaut du communisme dans la jeunesse ? Au mieux celle de l’échec et celle du passé. Depuis quarante ans notre influence a chuté considérablement. 21 % avec Jacques Duclos en 1969 à moins de 2 % lors de la dernière élection présidentielle. Et pourtant depuis quarante ans et même avant, le Parti communiste a mené de beaux combats et a fait des efforts pour se réformer. C’est pour ne pas laisser mourir ou banaliser tous ces combats, toutes ces avancées auxquelles nos aînés et nous-mêmes avons participé, que je propose la création de cette force nouvelle dans laquelle les communistes, mais pas seuls, joueraient pleinement leur rôle en phase avec la société actuelle.

Vous semblez dire que même s’il le voulait le PCF serait incapable de se transformer ?

Jean-Claude Gayssot. Si l’on ne débat qu’en interne, qu’entre communistes, on arrivera au mieux à faire ce qu’on sait faire : « Changer pour que tout reste comme avant. » Or j’ai la conviction qu’il faut créer pour poursuivre ce qu’il y a de plus beau dans le combat des communistes et du PCF et qu’il faut rompre avec la matrice pour revivifier les valeurs de ce combat. C’est pour cette raison que nous devrions, dès la préparation du congrès extraordinaire, annoncer notre volonté de créer avec d’autres cette force politique nouvelle. Ainsi sera engagé le processus - qui sera long car il n’y a pas de schéma tout ficelé - et cela créera tout de suite le choc nécessaire pour mobiliser l’intérêt des gens et des militants.

D’autres, c’est qui ? Des citoyens intéressés ? D’anciens communistes ? Il y a aussi des forces politiques…

Jean-Claude Gayssot. Au sein du PS, des gens se refusent à la social-libéralisation. Il faut parler et travailler avec eux. Je pense aussi aux altermondialistes, aux écologistes, aux humanistes… Il faut construire une formation où se retrouveront toutes celles et tous ceux qui refusent que le monde soit une simple marchandise.

Vous mettez la priorité sur la construction d’une nouvelle force alors que d’autres estiment qu’il faut d’abord parler projet.

Jean-Claude Gayssot. Il faut travailler le contenu et le contenant en même temps. La forme est l’expression du fond. Il faut annoncer qu’on veut oeuvrer, avec d’autres, à un projet et à une force politique nouvelle. Sinon, nous allons être perçus comme voulant rallier les autres à notre panache ou en faire des « compagnons de route ».

Est-ce que c’est le collectivisme, l’étatisme, le productivisme qu’il faut remettre en cause ?

Jean-Claude Gayssot. Oui, il faut une articulation nouvelle entre l’État et le citoyen, entre individu et collectif. C’est là que nous avons le plus à créer. Ce n’est pas tant le marché mais sa loi, fondée sur la concurrence entre les peuples et les individus, sur l’exploitation et les dominations, qui est inacceptable. Il faut répondre aux défis d’aujourd’hui : l’épanouissement humain, le développement social, à l’échelle de l’Europe et de la planète.

Est-ce que les congrès communistes programmés pour cet automne et pour 2008 sont capables de répondre à ces attentes ?

Jean-Claude Gayssot. C’est mon voeu le plus cher, mais je ne vous cache pas ma crainte de voir les réticences et les atermoiements l’emporter ou, en tout cas, freiner les ruptures et les rencontres nécessaires.

Nécessaires pour rassembler et mobiliser sans attendre face à la politique de régression sociale et démocratique à l’oeuvre.

Nécessaires pour faire grandir dans tout le pays l’exigence d’un référendum concernant le traité « simplifié » européen que Nicolas Sarkozy veut faire passer par le seul parlement !

Nécessaires pour refonder les valeurs de gauche face à l’hégémonie des idées de droite. C’est ce que nous faisons avec « Gauche Avenir ».

Face aux besoins et aux attentes, le pire serait le repli sur nous-mêmes. Le meilleur, que soit perçu qu’il y a vraiment du nouveau à gauche et chez les communistes.

Entretien réalisé par Olivier Mayer (L'Humanité)

 

Tag(s) : #Débats
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