Du délit d’apologie du terrorisme à la criminalisation de la solidarité pour la Palestine
Une tribune internationale contre la criminalisation des soutiens à la Palestine via le délit d’apologie du terrorisme a été publiée ce mercredi dans Politis, tandis que l’eurodéputée LFI Rima Hassan a été auditionnée par la police pour des déclarations tronquées sur le Hamas. Son avocat dénonce auprès de l’Humanité l’usage abusif de ce chef d’accusation.
le 23 avril 2025

Opposer le délit d’apologie du terrorisme aux voix solidaires de la Palestine, une « spécificité française » ? C’est ce qu’affirme une tribune internationale, publiée ce mercredi 23 avril dans Politis, qui dénonce la « criminalisation de la solidarité avec Gaza » dans le monde occidental en général et en France en particulier.
Parmi les signataires, la militante afro-américaine Angela Davis, l’écrivaine nobélisée Annie Ernaux, l’activiste écologiste Camille Etienne, l’ancien ministre de Syriza Yanis Varoufakis, l’ex-leader de Podemos Pablo Iglesias, le député PCF Jean-Paul Lecoq, le coordinateur national des insoumis Manuel Bompard, le réalisateur britannique Ken Loach ou encore le cinéaste israélien Nadav Lapid.
Une « partialité d’ordre structurelle »
Ils y dénoncent « la politique de persécution » permise selon eux par le délit d’apologie du terrorisme. Sont cités les exemples du porte-parole de Révolution permanente Anasse Kazib, qui doit être jugé en juin pour un tweet sur « l’apartheid » en Israël publié le 7 octobre 2023, dans la foulée des attaques du Hamas.
Ou encore le cas du syndicaliste CGT Jean-Paul Delescaut, condamné en 2024 à un an de prison avec sursis pour avoir inscrit dans un tract, après le 7 octobre, que « les horreurs des occupations illégales (…) reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées ». Aussi critiquable soit-elle, une telle prise de position, syndicale et politique, relève-t-elle du soutien au terrorisme, au même titre que ceux qui se sont réjouis du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo ou du Bataclan en 2015 ?
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Auprès de l’Humanité, Me Vincent Brengarth, avocat de l’eurodéputée LFI Rima Hassan, (elle-même entendue par la police pendant plus de 11 heures, le 16 avril dernier), dénonce la « partialité d’ordre structurelle » qui conduit à un « détournement de l’usage de ce délit ». « La définition de ce délit doit être précisée. La difficulté, c’est l’imprécision du motif d’apologie du terrorisme, qui est source d’arbitraire, développe le juriste. Or, il faut ajouter que dans le cas du conflit à Gaza, les autorités de poursuites ne peuvent prétendre à la neutralité puisque le procureur de la République est subordonné au pouvoir en place et que la France n’est pas neutre vis-à-vis d’Israël. »
Vincent Brengarth rappelle que la France a « violé le statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale » en laissant le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou traverser deux fois son espace aérien, alors qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
L’avocat pointe aussi le fait que le délit d’apologie du terrorisme vise essentiellement des soutiens à la Palestine, alors que des propos relevant de l’apologie de crimes de guerre, formulés par des soutiens d’Israël, ne font l’objet d’aucune poursuite.
« Intifada » et propos tronqués
Rima Hassan, elle, a été interrogée par la police la semaine passée à cause de plusieurs tweets en soutien à la Palestine, dont l’un où elle écrivait « l’heure est au soulèvement », en marge d’une manifestation devant Sciences Po Paris. Les autorités judiciaires y ont vu une référence à l’intifada («soulèvement », en arabe).
Elle est en outre visée par un signalement pour « apologie du terrorisme » suite à un entretien donné à Sud Radio fin février, au cours duquel l’avocate de formation avait déclaré : « Moi, je parle la langue du droit international, le Hamas a une action légitime du point de vue international. » Avant de préciser : « ce n’est pas parce que les résolutions des Nations unies sont extrêmement claires sur le droit des peuples colonisés à avoir recours à la lutte armée que les procédés de la lutte armée justifient tout. Vous n’avez pas le droit de prendre en otage des civils, vous n’avez pas le droit de commettre un certain nombre des exactions telles qu’elles ont été commises le 7 octobre (…) ce sont effectivement des crimes de guerre. »
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Ces propos, résumés de manière fallacieuse à « le Hamas a une action légitime » par de nombreux médias, ont pu donner l’impression qu’elle soutenait les attaques du 7 octobre. Or on voit mal comment la séquence dans son intégralité pourrait constituer un délit.
Cela avait malgré tout conduit Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, à saisir lui-même le procureur, quand deux autres ministres, Jean-Noël Buffet et Patrick Mignola, ont eux évoqué publiquement l’opportunité de déchoir Rima Hassan de sa nationalité française. Un précédent gravissime, indépendamment de ce que l’on peut penser des propos de l’insoumise : jamais, depuis 1945, avait-on proposé de retirer sa citoyenneté à une élue de la nation.