Derrière la grève historique chez Boeing, l'agonie d'un système qui a tout sacrifié aux profits des actionnaires
Plus de 30 000 ouvriers de l’avionneur ont lancé, depuis le 13 septembre, un mouvement pour une hausse conséquente des salaires et pour les retraites. Cela révèle la profondeur d’un malaise social et culturel au sein d’un groupe qui a tout sacrifié aux profits des actionnaires.
le 15 septembre 2024
Depuis le 13 septembre, les ouvriers de Boeing ont entamé une grève historique dans les usines du groupe à Seattle. Plus de 95 % des quelque 33 000 salariés syndiqués ont décidé de lancer ce mouvement alors que la direction voudrait leur imposer un renouvellement de leur convention collective « au rabais ».
Avec leur syndicat IAM, ils réclament des augmentations de salaire de 40 % sur trois ans, après des années de quasi-gel de leur rémunération malgré une flambée de l’inflation. Ils revendiquent également la mise en place d’un véritable régime de retraite. En face, la direction du groupe campe sur ses positions, n’envisageant des hausses de salaire qu’au mieux deux fois moins élevées. Face à l’ampleur de cette grève, une commission de conciliation fédérale a été appelée à la rescousse et devrait intervenir comme médiatrice dès le début de cette semaine entre les parties, patronale et syndicale.
Deux décennies de restrictions salariales
Cette grève est une première depuis 2008 : l’importance du mouvement et la détermination des salariés font d’ailleurs écho aux grèves lancées, il y a un an, par les salariés de l’automobile. Elle traduit un immense mécontentement contre les pressions permanentes qui ont conduit à une forte dégradation des conditions de travail. La direction de Boeing a fait le choix, en effet, depuis le tournant du siècle, d’une stratégie de financiarisation.
La réduction des coûts du groupe est devenue l’obsession afin de « maximiser » la valeur de ses actions en Bourse, Wall Street imposant ses diktats de gestion. « Il s’agit de respect, de faire face au passé et de lutter pour notre avenir », relevait Jon Holden, le représentant du syndicat au moment du vote pour la grève, en référence aux deux dernières décennies de restrictions salariales, de délocalisations et d’externalisations aux conséquences terribles, sur le plan social comme industriel et désormais commercial.
La mise à mal de la culture industrielle
La direction de Boeing, qui a tenté de mobiliser classiquement une partie des ingénieurs et techniciens supérieurs pour qu’ils se substituent aux salariés grévistes, en effectuant au moins partiellement leurs tâches, a essuyé un retentissant échec. Selon le site d’information Labor Notes, proche du mouvement social états-unien, le syndicat des ingénieurs (Speea) a dénoncé immédiatement ces manœuvres et recommandé à ses adhérents de ne prendre en charge « en aucun cas » le travail effectué par les ouvriers.
Les ingénieurs et leur syndicat ne cessent de dénoncer, eux aussi, la mise à mal de la culture industrielle de leur entreprise et plusieurs d’entre eux ont exprimé ouvertement leur solidarité avec les ouvriers. Portes arrachées des 737Max, boulons mal serrés sur des 777, trains d’atterrissages défectueux… la liste est désormais très longue des graves anomalies enregistrées du fait des sacro-saintes et constantes pressions sur la réduction des coûts. Avec un personnel globalement ulcéré par ces terribles défaillances à la sécurité, qui aurait dû rester la priorité des priorités pour une entreprise comme la leur.