Duralex : l’avenir de « la Tour Eiffel de la verrerie » confié à la Scop créée par 150 salariés
Le tribunal de commerce d’Orléans a choisi, ce vendredi 26 juillet, l’offre de la coopérative portée par les salariés pour relancer la verrerie emblématique. La Scop soutenue par les collectivités territoriales promet qu’il n’y aura aucune casse sociale.
le 26 juillet 2024
Le tribunal de commerce d’Orléans a rendu son verdict ce vendredi 26 juillet et c’est un grand ouf de soulagement pour les amateurs de verre français. L’avenir de Duralex, l’emblématique verrerie avec ses célèbres verres avec des nombres au fond, a été confié à ses propres salariés.
150 des 228 travailleurs de Duralex ont mis en place une offre de société coopérative de production (Scop) afin de racheter et relancer leur entreprise. Cette candidature, proposée pour sortir la société de la procédure judiciaire, a été préférée aux propositions d’un fonds d’investissement et d’une banque : l’une émanait d’une holding détenue par un couple de descendants de verriers normands, la SARL Tourres et Cie ; l’autre d’un fonds d’investissement qui prévoyait un carnage social (avec la préservation de 75 emplois seulement).
La nouvelle a été saluée avec enthousiasme par plusieurs acteurs du dossier. « On est soulagés pour l’ensemble des salariés de Duralex qui se sont battus », s’est félicité François Marciano, l’actuel directeur de l’usine, chaud partisan de la Scop. Le dirigeant en a profité pour remercier les collectivités locales qui avaient accordé leur soutien financier au plan de reprise. La métropole d’Orléans s’est déjà engagée à racheter le site, de 14 hectares, pour le louer ensuite à la Scop, ce qui représenterait un investissement de 5 à 8 millions d’euros.
De son côté, la région Centre-Val de Loire a assuré qu’elle était prête à monter au capital de la Scop. « Des salariés qui sont malmenés depuis de nombreuses années sont capables aujourd’hui de relever les manches et de proposer un projet, je trouve cela remarquable et courageux », affirmait il y a quelque temps à France Bleu son président, le socialiste François Bonneau.
« C’était maintenant ou jamais »
Considérée comme « la Tour Eiffel de la verrerie », Duralex s’était retrouvée dans une situation tumultueuse ces dernières années. En 2022, la verrerie s’est vue contrainte d’éteindre son four pendant 5 mois, incapable de tenir financièrement face à la flambée des prix de l’énergie conséquente à l’invasion russe de l’Ukraine. Sauvée par un prêt de l’État de 15 millions, Duralex a survécu à cette crise sans totalement s’en sortir. Un an après cet effort, l’ancienne PDG, Géraldine Fiacre, déclarait au quotidien régional La République du Centre que Duralex a « subi une forte chute de la consommation ».
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La verrerie s’engage donc sur un nouveau chemin avec une reprise en Scop. Suliman El Moussaoui, délégué syndical de la CFDT Duralex à l’origine du projet, expliquait à l’Humanité que « c’était maintenant ou jamais » pour beaucoup de travailleurs de l’usine, qui espéraient voir la société prendre un nouveau cap. « On va quand même dans l’inconnu et ça fait peur », admet le délégué syndical, mais il se veut rassurant quant à la volonté des salariés de participer à ce projet.
Il ne faudrait pas croire, cependant, que le projet fasse consensus parmi tous les salariés. Du côté de la CGT, premier syndicat de l’entreprise, la proposition de sauvetage en Scop a été accueillie plutôt fraîchement. Les cégétistes plaidaient pour l’offre de reprise portée par le couple Tourres, en dépit des suppressions de postes programmées. François Dufranne, délégué CGT, voit d’un mauvais œil la place prépondérante occupée par l’actuel dirigeant de l’usine dans le plan de reprise en Scop.
Par ailleurs, il redoute que les collectivités locales ne finissent par lâcher l’entreprise à un moment ou un autre. « Je trouve que la présentation de la Scop devant le tribunal de commerce était beaucoup trop politique, explique le syndicaliste à Mediapart. Je ne leur fais pas vraiment confiance pour l’avenir de Duralex. Elles sont là maintenant, mais quand on sera en difficulté dans un ou deux ans, la région et la métropole seront-elles toujours à nos côtés ? »
Et le cégétiste de préciser le fond de sa pensée : « Dans quelques années, si Duralex ne tient pas, qu’est-ce qui empêchera la métropole de récupérer le foncier pour y construire des logements ? » L’avenir dira si son pessimisme est fondé. En attendant, une nouvelle page se tourne pour les Duralex qui deviennent leur propre patron.