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L’actuelle léthargie sociale et politique encourage le gouvernement à enchaîner des "réformes" que peut pourtant désapprouver une majorité de Français. La gauche de transformation doit lui opposer, sans plus attendre, une vision et des réponses concrètes.

Les réformes conduites par Emmanuel Macron suivent un rythme ébouriffant. Avant même d’être votées, elles entrent en application, comme pour l’université. À peine les rapports remis, le gouvernement s’attelle à leur mise en œuvre, comme pour la SNCF. Le Parlement et le dialogue social, c’est du décor. Le président de la République s’alarme parfois de la montée de l’illibéralisme, cette forme de gouvernement élu qui malmène la séparation des pouvoirs et écrase les contrepouvoirs. Il s’y connaît.

Inlassablement, Emmanuel Macron et le gouvernement défont les équilibres passés. Le détricotage en cours est bien plus sévère qu’une cure d’austérité. Une autre France est en train d’émerger. Or ce processus de transformation libéral et autoritaire rencontre peu de résistances. L’opinion publique semble assommée et les oppositions sociales et politiques peinent à se faire entendre.

Carte blanche pour dégommer le passé

On pourra à bon droit dire qu’il y a une difficulté à organiser l’opposition face à un tel tourbillon. Il sera juste et nécessaire de relever les mobilisations pour l’hôpital, contre le délabrement des Ephad, contre les mesures anti-migrants de Gérard Colomb. Les luttes pour sauver ce qui peut l’être ne sont pas rien. Elles disent, autant que leur soutien par l’opinion publique, que le pays n’est pas devenu réactionnaire ou conservateur, gagné aux idées inégalitaires. Emmanuel Macron subit même un tassement de bonnes opinions de 6%.

Pourtant, cela finit par ressembler à une forme d’assentiment. Un sondage et une émission de télévision ont jeté un éclairage cruel sur ce constat.
Le sondage a été publié par Les Échos et il porte sur les projets de réformes de la fonction publique. Il ressort qu’une large majorité de Français, tous secteurs confondus et toute tendance politique mêlées, soutiennent le salaire au mérite, un plan de départ volontaire et même la mise en cause du statut de fonctionnaire.

L’émission, c’est celle du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Sur France 2 jeudi soir, il est parvenu à convaincre une très large partie des téléspectateurs (plus de 70%) de de son projet global. Comment comprendre que le pays soutient ces réformes qui pourtant vont fragiliser les salariés, aggraver les inégalités ?

Depuis des années, le thème du déclin de la France a dominé les débats publics et avec lui celui de l’irréformabilité du pays. Une majorité de nos concitoyens a fini par se convaincre du lien entre les deux et par vouloir que cela bouge. C’est au point de donner carte blanche au gouvernement pour dégommer le passé.

Car le "dégagisme", qui s’exprime avec encore tant de puissance, ne se nourrit pas seulement d’une crise démocratique. Il ne porte pas uniquement un regard sévère voire cruel sur les partis, les élus, les institutions. Il dit d’abord une profonde colère à l’égard d’une situation, une insatisfaction à l’égard des réponses apportées jusqu’alors et une demande de chambardement.

Reformuler une vision de notre société

Le "coup de pied dans la fourmilière" est en passe d’être donné. Il l’est de la pire des manières, aussi, du fait des faiblesses de la gauche qui se veut de transformation sociale, mais qui peine à porter un discours et des propositions à la hauteur des attentes.

Face au rouleau compresseur d’Emmanuel Macron, il n’y a pas d’autre chemin que la double réélaboration du projet et de ses traductions programmatiques. Les discours technocratiques, dépourvus de sens apparent, sont rejetés. La politique n’est rien sans fonction idéologique, c’est-à-dire si elle ne propose pas une analyse du monde. Mais les discours qui ne seraient qu’idéologie ne peuvent pas non plus convaincre un pays épuisé de voir tant de questions urgentes sans réponses. Le débat de l’entre-deux tours a été une acmé de la vacuité du discours de Marine Le Pen. Elle en a été lourdement et durablement sanctionnée.

Il faut donc reformuler une vision de notre société et l’articuler à une transformation du travail, du logement, du service public, de l’école, de la santé, de la fin de vie, de la ville, d’Internet, etc. Évidemment la crise profonde des partis n’aide pas. Christiane Taubira, dans la Midinale lundi dernier, faisait le constat de l’essoufflement du politique et elle le liait à la dissociation des politiques et des intellectuels.

Face à la politique conduite par celui qui faisait campagne avec un livre intitulé Révolutions et qui mobilise l’appareil d’État pour traduire en acte cette transformation libérale, il est urgent de renouer avec le double travail d’élaborations politique et de construction de propositions. Dans les années 60, la gauche a connu un moment de grand vide. Le PS était discrédité par sa politique coloniale. Le PCF ne sortait pas de sa gangue stalinienne. De Gaulle était en majesté. Le Nouvel observateur avait alors entrepris de reconstruire les réseaux intellectuels, de reformuler les idées, de raccorder la gauche aux mouvements profonds de la société... Ce travail dura une décennie et fut le socle de la conquête socialiste au sein de la gauche.

Le doute semble de moins en moins permis : il serait dangereux d’attendre le retour de balancier. Serait-il en notre faveur ? La gauche française peut s’affaiblir jusqu’à disparaître comme c’est advenu en Italie, en Allemagne… Il est plus que temps d’en prendre la mesure. Toutes les bonnes volontés doivent être sollicitées et considérées comme les bienvenues.

Tag(s) : #Gauche de gauche
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