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[Le préfet des Pyrénées-Atlantiques obtient la condamnation, pour outrage au préfet, à une peine de 1000€ avec sursis de 5 des 6 citoyens qui s’étaient indignés par courriel, en 2008, de l’incarcération d’enfants en centre de rétention. Sans banalisation de ce qu’a été le régime de Vichy, la liberté d’expression est manifestement menacée par ce type de décision]
Compte rendu bref et partiel de l’audience du 10 juin à Pau

 Voir aussi reportages et articles RESF2.jpg

 

Il y avait 50 personnes dans la petite salle d’audience. Beaucoup sont restées debout. 250 personnes se sont relayées à l’extérieur de 8h à 13h30.

Les textes de soutien envoyés par les diverses organisations locales ou nationales ont été lus à plusieurs reprises au cours de la matinée, au dehors, grâce à la sonorisation apportée par les compagnons d’Emmaüs de Lescar. Plusieurs personnalités locales et nationales sont venues apporter elles-mêmes leur soutien et se sont exprimées au micro. La presse écrite, parlée et télévisée était présente.

Le pique-nique a été très réussi. Les compagnons d’Emmaüs ont donné à la caisse de soutien aux « six de Pau » la moitié de la recette de la vente des sandwiches et des crêpes.

Le procès a été très intéressant. Il s’est déroulé dans une ambiance tendue, comme si chacun dans la salle était inculpé. 

Le rédacteur de ce compte-rendu n’a pas pu assister à l’interrogatoire des prévenus. Il est arrivé au moment où les témoins commençaient leurs dépositions.

 

Après une plaidoirie qui a semblé peu convaincante et peu convaincue, l’avocat du préfet a demandé l’euro symbolique contre les prévenus.

Le procureur a plaidé un peu en retrait aussi, mais perfidement : il a reproché aux inculpés d'être lettrés et intellectuels, ce qui aurait dû leur interdire la pratique de la comparaison historique. Il a requis 1000 euros d'amende avec sursis, par principe.

Ce sur quoi a rebondi une des avocates en expliquant que ce que cherchaient justement le préfet et le procureur, c'était la condamnation pour sa valeur d'exemple.

Emmanuel Terray a démonté l'argumentation de l'illégitimité de la comparaison de méthodes policières de deux époques différentes. Il s'est étonné de ne pas être poursuivi, alors qu'il a publié depuis longtemps des textes où il justifie ce qui est reproché aux prévenus. « A partir du moment où un gouvernement décide qu’il y a des citoyens indésirables, a-t-il poursuivi, c’est pareil, les techniques policières sont les mêmes qui ont été employées sous l’Occupation, en Algérie et maintenant en France. Quand le ministre Besson déclare dans le Journal du Dimanche « on ne sépare pas les parents des enfants », c’est mot pour mot ce que répondaient Laval et Bousquet aux autorités religieuses. C’est une coïncidence, mais c’est malheureux. Cette comparaison est légitime et fait partie du débat politique. L’actuel procès n’a pas lieu d’être. »

Isabelle Larrouy a "scotché" la cour et la salle en racontant très simplement ce qu'elle avait entendu et vu, en rappelant les diverses arrestations commises par la police et les conditions scandaleuses dans lesquelles elles avaient été commises.

Claude Laharie, historien du camp de Gurs, a expliqué en quoi des pratiques policières pouvaient être comparables. « Peut-on faire allusion à Vichy ?, la question mérite d’être posée. Les allusions sont inévitables, le terme d’outrage est démesuré : il y a une forme de dramatisation ».

Le procureur tente de le déstabiliser avec une étrange et incongrue question sur la pédophilie. Comme il fait plus tard allusion au négationnisme. Deux fois des coups bas qui montrent le malaise dans lequel l’accusation s’est elle-même plongée.

Jean-Jacques Le Masson a montré que la plupart des gens faisaient spontanément le rapprochement avec cette époque douloureuse quand ils apprenaient les arrestations de familles et d’enfants. Il a catégoriquement nié que quiconque ait eu l’intention d’outrager le préfet. Il a ajouté que le préfet devrait réfléchir au fait que si les gens n’osent plus parler à cause de l’intimidation recherchée avec la demande de sanction,  la société s’approchait du type de celle dont l’évocation semble fâcher si fort le pouvoir.

C’est ce qu’a plaidé Me Noguères, vice-présidente nationale de la Ligue des Droits de l’Homme : « la cible visée est RESF pour le travail de défense acharnée des enfants de familles étrangères. Mais comme vous n’osez pas l’attaquer de front, vous vous en prenez à des personnes de toute la France, qui n’ont fait que réagir à des informations données par RESF. Il s’agit clairement d’une tentative d’intimidation. »

C’est ce qu’a plaidé Me Bonnin, démontrant la volonté d’intimidation du préfet.

Me Massou dit Labaquère a défendu quatre des six prévenus, en insistant sur le fait qu’il était faux de prétendre que les prévenus aient assimilé le préfet avec les nazis et que le « comme » dont s’est saisi le procureur n’a qu’une valeur de comparaison de méthodes policières similaires. Elle a repris l’argument de Me Bonnin : ne pas confondre outrage et outrance.

Le procureur a fait le lien avec le procès pour négationnisme qui a eu lieu quelques semaines plus tôt à Pau, lors duquel le prévenu avait lui aussi argumenté sur la liberté d’expression. Les avocats de la défense ont rappelé ce qu’est le négationnisme et ce qu’est la liberté d’expression. Jean-Jacques Le Masson avait souligné dans son intervention que RESF ne pratiquait pas la comparaison des méthodes policières actuelles avec celles de l’époque nazie, afin de ne pas affaiblir le caractère monstrueux de la politique des nazis. Mais, avait-il ajouté en donnant un exemple récent à Bayonne, le souvenir des époques cruelles de notre histoire est comme un spectre qui plane non seulement dans l’esprit de ceux qui condamnent les arrestations actuelles, mais aussi dans l’esprit de ceux qui les commettent.

 

Cette audience a duré de 9 heures à 13 heures sans interruption. Les 6 de Pau ont été courageux et dignes : le procureur s’est montré virulent, n’ayant sans doute pas d’autre angle d’attaque que ce qu’il a appelé de la pédagogie, et la dissertation sur les grands principes républicains auxquels il a dit être, lui, attaché.

Le verdict a été mis en délibéré au 12 août.

 

 RESF64, le 11 juin 2010

Tag(s) : #Annonces et compte-rendus de réunions
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