Par la magie de ces événements singuliers, l’économie est redevenue politique.

 

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Dans ma précédente chronique, j’évoquais un virus adapté au capitalisme. Les événements l’ont confirmé. Depuis, l’humanité vit une crise singulière, montrant que nous sommes bien entrés dans l’anthropocène. Sans notre espèce, jamais ce virus n’aurait pu se répandre aussi rapidement sur toute la planète. Sans ce virus, jamais l’humanité ne se serait retrouvée confinée à une telle échelle, de l’Amazonie aux îles du Pacifique. Les êtres humains se sont arrêtés et la nature a repris ses droits. Notre action ou notre inactivité ont un impact sur le fonctionnement de la planète.

La majeure partie des gouvernements ont pris peur après les estimations du professeur Ferguson, de l’Imperial College de Londres, prévoyant des centaines de milliers de morts en cas d’inaction des gouvernements, par exemple 500 000 décès au Royaume-Uni et 2,2 millions aux États-Unis. À croire que la stratégie chinoise du confinement était singulière et inadaptée au reste du monde, ou que la Corée ou le Japon étaient des pays atypiques. Le confinement est de facto un aveu d’échec, car aucun gouvernement ne décide de bon gré d’arrêter un pays, occasionnant une chute de plus de 30 % de son activité et un plongeon du PIB. Mais nos sociétés ne se sont pas effondrées. En revanche, la pollution s’est réduite, les animaux sont revenus.

L’échec est soit l’absence ou l’insuffisance des masques et des tests, soit, plus probablement, le cynisme de la recherche d’une immunité de groupe qui aurait occasionné des centaines de milliers de morts. Il n’est pas anodin que des pays gouvernés par des populistes cyniques affichent des taux élevés de décès.

Par la magie de ces événements singuliers, l’économie est redevenue politique. Elle n’est plus cette science normative qui prétend transformer des lois sociales en lois scientifiques, en modèles mathématiques atemporels et déterritorialisés, pour mieux cacher l’enrichissement des plus riches. L’économie est redevenue une science sociale, l’interaction de milliards d’êtres humains ayant des sentiments, une conscience.

C’est ainsi qu’on redécouvre la différence entre valeur d’usage, produite par les activités utiles – qui ont continué à fonctionner –, et valeur d’échange, produite par les activités destinées à générer du profit, dont on peut se passer, et le fait que la monnaie et la dette sont des constructions sociales. La politique économique redevient keynésienne, elle peut décider d’investir ou de payer des salaires, dans le cas du chômage partiel, même en situation d’endettement. Et on redécouvre que la production précède l’échange, sinon plus de masques, plus de tests… Et que, pour qu’il y ait profits, il faut des personnes qui travaillent. La finance ne crée pas de valeur, elle s’approprie celle créée par d’autres.

L’économie doit être au service de l’humanité et non l’inverse. Les seuls faits que nous ne pouvons pas modifier, ce sont les crises écologiques, le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité. Pour cela, la santé doit être prioritaire sur les profits, la production doit être relocalisée, la consommation ostentatoire réduite…