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George Monbiot charge sabre au clair contre ceux qui affirment que la menace environnementale majeure serait la démographie des pays pauvres. « Ce n’est pas un
hasard si la plupart de ceux qui sont obsédés par la croissance de la population mondiale sont de riches hommes blancs, trop âgés pour se reproduire : il s’agit de la seule question
environnementale dont ils ne peuvent être tenus responsables, » écrit-il. Le véritable problème n’est pas celui de la démographie mais de la consommation excessive des pays riches, dont les
hyper-fortunés donnent une image caricaturale, argumente Monbiot.
par George Monbiot, The Guardian, le 28 septembre 2009
Ce n’est pas un hasard si la plupart de ceux qui sont obsédés par la croissance de la population mondiale sont de riches hommes blancs, trop âgés pour se reproduire
: il s’agit de la seule question environnementale dont ils ne peuvent être tenus responsables. Le brillant scientifique spécialiste des systèmes de la Terre James Lovelock a ainsi affirmé le mois
dernier que « ceux qui ne parviennent pas à comprendre que la croissance démographique et le changement climatique sont les deux faces de la même pièce de monnaie sont soit ignorants, soit
refusent de voir la vérité. Ces deux énormes problèmes environnementaux sont inséparables et il est irrationnel de discuter de l’un tout en ignorant l’autre. » Mais en l’occurrence, c’est
Lovelock qui se montre ignorant et irrationnel.
Une étude publiée hier dans le journal Environment and Urbanization montre que les régions où la population a augmenté le plus rapidement sont celles où les
émissions de dioxyde de carbone se sont élevées le plus lentement, et inversement. De 1980 à 2005, l’Afrique sub-saharienne est à l’origine de 18,5 % de la croissance de la population mondiale et
seulement de 2,4 % de l’augmentation des émissions de CO2. L’Amérique du Nord ne représente que 4 % des nouvelles naissances, mais 14 % des émissions supplémentaires. Soixante-trois pourcent de
la croissance démographique mondiale a lieu dans des régions où les émissions de CO2 sont très basses.
Mais ces faits bruts ne décrivent pas entièrement la situation. Cette étude indique que le sixième de la population mondiale est si pauvre que ses émissions ne sont
absolument pas significatives. Tout en étant le groupe dont la croissance est apparemment la plus élevée. Les ménages en Inde qui gagnent moins de 3000 roupies par mois (43 € - 66 CHF) consomment
par tête un cinquième de l’électricité et un septième du carburant utilisés par un ménage ayant un revenu de 30 000 roupies ou plus. Ceux qui dorment dans la rue ne consomment presque rien. Ceux
qui vivent en fouillant les ordures (une part importante des citadins déshérités) ont le plus souvent un solde négatif d’émission de gaz à effet de serre.
De plus, une bonne part des émissions pour lesquelles les pays pauvres sont tenus responsables devraient en toute justice être attribuée aux nations développées. Par
exemple, les torchères des compagnies pétrolières exportatrices du Nigéria ont produit plus de gaz à effet de serre que toutes les autres sources de l’Afrique sub-saharienne réunies. La
déforestation dans les pays pauvres est principalement causée par l’exploitation commerciale du bois, de la viande et des aliments pour animaux destinés aux consommateurs des pays riches. Les
paysans pauvres font bien moins de dégâts.
David Satterthwaite, l’auteur de cette étude, souligne que la vieille formule enseignée aux étudiants en développement, selon laquelle l’impact total (sur
l’environnement) est égal à la population multipliée par la richesse et la technologie (I=PRT) est fausse. L’impact total doit être mesuré ainsi : Consommateurs x Richesse x Technologie. La
majorité de la population mondiale consomme si peu qu’elle ne figure même pas dans cette équation. Et c’est elle qui a le plus d’enfants.
Alors qu’il n’y a qu’une très faible corrélation entre réchauffement global et croissance démographique, il y a par contre une forte corrélation entre réchauffement
global et richesse. J’ai récemment jeté un coup d’œil sur quelques super-yachts, du style de ceux auxquels sont habitués les ministres travaillistes. J’ai d’abord parcouru les spécifications du
Royal Falcon Fleet’s RFF 135, mais lorsque j’ai découvert qu’il ne consommait que 750 l. de fioul par heure, j’ai réalisé que ça n’allait pas impressionner Lord Mandelson. L’Overmarine Mangusta
105, qui pompe ses 850 l. à l’heure ne surprendrait guère à Brighton. Mais le rafiot qui a vraiment retenu mon attention est construit par Wally Yachts à Monaco. Le WallyPower 118 (qui confère
aux imbéciles finis un sentiment de puissance [ En argot anglais, wally signifie imbécile - ndt ] ) consomme 3 400 l. à l’heure lorsqu’il file à 60 nœuds. Ce n’est pas loin d’un litre par
seconde. Ou mesuré autrement, 31 litres au kilomètre.
Bien sûr, pour faire un vrai tabac, je devrais m’offrir du teck et des accessoires en acajou de mahogany, y ajouter quelques jet skis, ainsi qu’un mini sous-marin,
transporter mes invités au port en jet privé et en hélicoptère, leur offrir des sushis de thon rouge et du caviar beluga, et pousser le monstre si rapidement que je hacherais menu au moins la
moitié des espèces méditerranéennes. En tant que propriétaire d’un de ces yachts, je provoquerais plus de dégât à la biosphère en 10 minutes que la plupart des Africains ne peuvent le faire au
long de toute une vie. Là, ça chauffe vraiment, bébé...
L’une de mes relations qui fréquente les gens très riches me dit que dans la banlieue des banquiers, la lower Thames valley, certaines piscines extérieures sont
chauffées à une température suffisante pour s’y baigner toute l’année. Les propriétaires adorent plonger dans leur piscine durant les nuits d’hiver et regarder les étoiles. Le chauffage leur
coûte 3200 € (4 900 CHF) par mois. Cent mille personnes vivant comme ces banquiers épuiseraient les écosystèmes indispensables à la vie plus rapidement que 10 milliards de personnes vivant comme
les paysans africains. Mais au moins, les hyper-nantis ont l’exquise attitude de ne pas se reproduire beaucoup, ainsi les vieux riches qui dénoncent la croissance démographique les laissent
tranquilles.
En mai, le Sunday Times publiait un article titré : « Un club de milliardaires annonce qu’il veut réduire la surpopulation. » Il révélait que « plusieurs éminents
milliardaires américains se sont rencontrés secrètement » afin de décider quelle bonne cause ils devraient défendre. « Un consensus a émergé, consistant à soutenir une stratégie s’attaquant à la
croissance démographique, dénoncée en tant que menace environnementale, sociale et industrielle potentiellement désastreuse. » En d’autres termes, les ultra-riches ont décidé que ce sont les très
pauvres qui polluent la planète. On peine à trouver une métaphore. C’est au-delà de la caricature.
James Lovelock, comme Sir David Attenborough et Jonathan Porritt, est l’un des soutiens du Optimum Population Trust. Ce n’est qu’une des campagnes et des
organisations caritatives parmi des douzaines dont le seul but est de décourager les gens d’avoir des enfants au nom du sauvetage de la biosphère. Mais je n’ai pas réussi à trouver une seule
fondation dont le seul objectif soit de s’occuper des impacts sur l’environnement des très riches.
Les tatillons pourraient argumenter que ceux qui procréent rapidement aujourd’hui pourraient s’enrichir dans le futur. Mais, alors que les hyper-nantis s’approprient
une part toujours croissante et que les ressources commencent à se tarir, cette perspective, pour la plupart des très pauvres, est de plus en plus illusoire. Il y a de fortes raisons sociales
pour aider les peuples à maîtriser leur démographie, mais pas du point de vue environnemental - sauf pour les populations plus aisées.
L’Optimum Population Trust ignore le fait que le monde se dirige vers une transition démographique : le taux de croissance ralentit presque partout, et selon un
article publié par Nature, la population va vraisemblablement atteindre un pic au cours de ce siècle, probablement à 10 milliards. La majeure partie de cette croissance aura lieu dans des
populations qui ne consomment presque rien.
Mais personne ne prévoit une évolution de la consommation. Les gens ont moins d’enfants à mesure qu’ils s’enrichissent, mais ils ne consomment pas moins - ils
consomment plus. Comme le montre le mode de vie des super-riches, il n’y a pas de limite à la recherche du luxe chez l’homme. On peut s’attendre à ce que la consommation se développe
parallèlement à la croissance économique jusqu’à ce que les compteurs de la biosphère atteignent la butée. Quiconque comprend cela et considère néanmoins que la population, et non pas la
consommation, pose le principal problème « ne veut pas », selon les mots de Lovelock, « voir la vérité ». C’est la pire forme de paternalisme, qui accuse les pauvres des dégâts occasionnés par
les riches.
Où sont donc les mouvements manifestant contre ceux qui sont pourris de fric et détruisent nos écosystèmes ? Où sont les actions menées contre les super-yachts et
les jets privés ? Où donc est la Lutte de Classes quand on en a besoin ?
C’est le moment d’avoir les tripes d’appeler un chat un chat. Ce n’est pas le sexe le problème, c’est l’argent. Ce ne sont pas les pauvres le problème, ce sont les
riches.
Publication originale The Guardian, traduction aimablement communiquée par Igor
Milhit
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Et sur le blog de Sylvestre Huet, historien de formation, journaliste spécialisé en sciences depuis 1986 et à Libération depuis 1995:
Le Diagnostic pour Copenhague, dernière alerte des climatologues
Voir aussi La firme Economie mondiale ne paie pas l’amortissement de la biosphère