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(image uniquement destinée à vous permettre de commencer à fêter
le quarantième anniversaire de mai 68)

Antony et Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, sont deux villes près de Paris : l’une est dirigée par un proche du secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, l’autre par la députée communiste Marie-Hélène Amiable.

« Comparaison n’est pas raison », dit-on. Mais y a-t-il pour les villes des gestions de droite et des gestions de gauche ? Les choix politiques ont-ils des conséquences sur la vie des habitants ? Pour tenter de répondre, deux villes du sud du département des Hauts-de-Seine sont passées au crible.

À 3,5 kilomètres de Paris, Bagneux, un peu plus de 37 000 habitants, est une municipalité de gauche dirigée par la communiste Marie-Hélène Amiable depuis que Janine Jambu, maire depuis vingt ans, lui a passé le flambeau en mai 2004.

Un peu plus loin vers le sud, sur la RN 20, Antony compte près de 60 000 habitants. Maire jusqu’en 2002, Patrick Devedjian, actuel secrétaire général de l’UMP et président du conseil général, a passé le relais à son adjoint Jean-Yves Sénant. De 1977 à 1983 la ville a été dirigée par le communiste André Aubry, élu à la faveur d’une triangulaire, il a été battu de 300 voix six ans plus tard.

Antony n’est pas Neuilly-sur-Seine mais ce n’est pas une ville de pauvres : 1 100 contribuables y paient l’ISF, le revenu moyen est de 24 915 euros, très au-dessus du revenu moyen national, et un peu en dessous de la moyenne des Hauts-de-Seine. Mais c’est aussi 19 % de logements sociaux : 10 000 locataires concentrés pour l’essentiel au sud de la ville. Cette diversité devrait impliquer - et faciliter - la solidarité. Qu’en est-il ? La municipalité consacre 6 % de son budget de fonctionnement « aux interventions sociales et de santé », contre 14 % à Bagneux. Avec 15 195 euros de revenus annuels moyens et 50 % de logements sociaux, les besoins en interventions sociales y sont forcément plus élevés. Est-ce que cela suffit à expliquer l’écart ? À Bagneux, un tiers du budget social est consacré au centre municipal de santé. Il assure 50 000 consultations par an dans quinze spécialités médicales.

Autre écart notable, au chapitre de la jeunesse. C’est l’un des principaux griefs faits à la municipalité de droite par Denise Lavenu. Aujourd’hui conseillère d’opposition, elle était adjointe chargée de l’enfance dans la municipalité d’union de la gauche. « En 1977, quand nous sommes arrivés à la direction de la ville, 1 357 enfants d’Antony partaient en colonie de vacances. Cinq ans plus tard ils étaient 2 319. Presque un millier de plus ! Cette année ce nombre est retombé à 1 322. Moins qu’en 1977… » Candidate communiste à l’élection cantonale de mars prochain, elle explique comment Patrick Devedjian a « systématiquement bradé les équipements et les réalisations de la gauche ». Le centre de vacances de Millas, dans les Pyrénées-Orientales, et la colonie de Saint-Amand sont vendus. La maison de quartier est devenue club de bridge. Et enterré le foyer du Soleil, qui offrait restauration et logements pour les personnes âgées, fermé le centre de santé et de dentisterie, supprimée la garderie maternelle… « Le dogme du tout-privé a fait des dégâts. »

Est-ce un paradoxe ? L’attention de la municipalité de Bagneux à la solidarité avec les plus démunis constitue la principale critique de ses opposants. Olivier Sueur est depuis des années le leader de l’opposition de droite à Bagneux. « Il y a trop de logements sociaux, affirme-t-il, et donc un afflux de population déshéritée, avec des répercussions dans les écoles… Il y a un manque de mixité sociale et - n’ayons pas peur du mot - raciale. » « Les villes de droite ont leur part de responsabilité, précise-t-il. Elles se débarrassent de leurs cas sociaux et ça fait l’affaire des communistes pour qui les pauvres sont le fonds de commerce. » Il souhaiterait que la loi fixe aussi un maximum de logements sociaux dans chaque ville. Pourtant il nuance ses critiques : « Mme Amiable fait une gestion communiste "light", elle ne construit pas uniquement des logements sociaux. Et puis, contrairement aux villes de droite, Bagneux reste une ville populaire, à seulement 3 kilomètres de Paris. »

À Antony, le maire annonce que sa ville « sera en conformité avec la loi quand les programmes de 500 logements sociaux en préparation seront engagés ». Ce que conteste Dominique Fié, élu de la Gauche républicaine : « Ces opérations sont sans cesse repoussées. La municipalité a détruit 464 logements sociaux pour en livrer seulement 145 alors que 1 700 demandes sont insatisfaites. »

Si la fierté et l’ambition de Jean-Yves Sénant sont avant tout de contribuer à faire d’Antony « une ville agréable », la municipalité de Bagneux veut montrer qu’on peut, contrairement aux idées reçues, « faire de son caractère populaire, de la diversité de sa population, un atout pour bien vivre ensemble ». Nombre d’équipements culturels y contribuent. Gérard Bunel, adjoint Verts à l’environnement, regrette « le manque de fibre écolo de la plupart des élus ». Il note depuis quelques années « une ouverture d’esprit ». Protection de l’environnement, développement durable, recours aux produits bio, constructions HQE (haute qualité environnementale) et équipement en véhicules propres, l’élu écologiste compte « surtout sur les actions pédagogiques en direction des jeunes pour faire changer les choses ».

Pour développer le « vivre ensemble », Marie-Hélène Amiable mise sur la démocratie participative. Jean-Yves Sénant ne montre guère d’enthousiasme pour cette forme de gouvernance qu’il juge « à la mode ». Pas de conseils de quartier à Antony, seulement un conseil des jeunes élu par les lycéens. Si, selon lui, « la concertation » est de mise pour tous les projets, en particulier la voirie, Pascale Le Néouannic, conseillère d’opposition PS, estime qu’elle « se limite souvent aux commerçants » et que « les associations sont le plus souvent ignorées ». Comme le Secours populaire, celles-ci se plaignent du manque de moyens et de locaux. Une situation très différente à Bagneux. Animatrice d’une association qui dispense des cours de français pour les étrangers, Malika Guillemin se félicite de disposer gratuitement des locaux du centre social et culturel et de l’aide fournie par la mairie.

Volonté ou non de mettre à disposition des équipements publics, envie ou non de partager le pouvoir avec les citoyens. Ce n’est pas ici l’enfer et là le paradis mais il y a bien des priorités différentes, une gestion de gauche et une gestion de droite.

Olivier Mayer

(L’Humanité du 14 janvier)

Tag(s) : #Débats
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